Dites donc il se passe des choses en Catalogne. Je crois qu’il s’agit d’indépendance, c’est sympa, mais que faut-il en penser ?
Une chose est sûre, la Catalogne ne sera indépendante ni cette année ni dans les années à venir. La finance ne le veut pas. Cependant cette pulsion indépendantiste est un belle marque de la crise de démocratie que nous vivons. Je l’ai déjà dit, les pays sont trop grands pour que le sentiment démocratique puisse trouver un semblant de satisfaction. Seuls les pays petits par la population arrivent encore à sentir un peu le lien avec leurs représentants.
Pour ce qui me concerne, je suis certain que je ne décide rien, mais vraiment rien du tout, de ce qui se passe dans mon pays. Que ce soit l’éducation, la justice, l’armée, le travail, la médecine, l’agriculture, le logement ou les médias je ne fais que constater des situations sur lesquelles je n’ai strictement aucun pouvoir, aucune influence. La seule chose sur laquelle j’ai un peu de pouvoir, c’est ma sphère personnelle et celle de quelques autres personnes qui ont des points communs avec moi. C’est tout.
Mais quand même, faut-il penser quelque chose de ce qui se passe en Catalogne ? La réponse est non, et, clairement, je ne suis ni pour ni contre l’indépendance.
Néanmoins, les évènements me fournissent beaucoup de remarques, d’impressions et d’analyses.
La remarque la plus facile concerne l’attitude de la classe politique espagnole. S’ils voulaient donner l’impression que la Catalogne est effectivement une colonie de Madrid, ils ne s’y prendraient pas autrement. L’idée même de ne pas vouloir que les Catalans prennent leur destin en main est caractéristique d’une position féodale. Ça fait longtemps que je vous dis que ce n’est pas la population qui a le pouvoir, mais c’est bien de pouvoir l’illustrer par des exemples. A titre de comparaison, chez nous, personne ne demande à la Corse ou au Pays basque de rester français. Ça ne nous viendrait même pas à l’idée, en tous cas pas à la mienne.
Ma seconde remarque concerne cet article 155. Je pense qu’il s’agit, clairement, d’une utilisation abusive, car les cas de mise sous tutelle concernent surtout les aspects financiers, et nous avons la même démarche en France où beaucoup de communes sont sous tutelle préfectorale. Dans ce domaine, faut-il s’attendre à des rebondissements juridiques : certainement.
La troisième remarque c’est que la stratégie espagnole est d’une grande faiblesse. Décider de priver la Catalogne de ses élus et investir comme à la guerre ses organes de communication et, dans le même temps, organiser des élections, est une attitude de perdants. En effet, si les élections donnent une majorité contre l’indépendance, il sera facile de faire ressortir que l’opposition a été empêchée de s’exprimer et donc que le résultat ne provient pas d’élections libres. Si au contraire les indépendantistes font un bon score voire l’emportent, c’est une gifle dont le gouvernement espagnol ne se remettra pas.
Dans ces conditions, les Espagnols risquent d’être tentés d’empêcher les indépendantistes de se présenter et de faire campagne, de façon à ce que, comme en Afrique, il n’y ait aucune opposition. Mais là nous rentrons dans le domaine de la dictature et c’est alors l’Europe même qui ne s’en remettra pas.
Pour le moment, on parle beaucoup de ce que les Catalans veulent, en l’occurrence l’indépendance. Mais je n’entends rien sur le pourquoi. C’est-à-dire pourquoi les Catalans ne sont-ils pas bien en Espagne, ou tout au moins pas assez bien pour envisager d’y rester. Cette absence est symptomatique de nos sociétés ultra-médiatisées. Ce n’est pas le rationnel qui compte, c’est l’évènementiel.
Parce que justement, parmi les raisons, il y en a une que personne n’évoque mais qui est quand même fondamentale : c’est Franco. Même si c’est assez loin pour certains, Barcelone est tombée les armes à la main et, comme vous le savez sûrement beaucoup de réfugiés espagnols en France étaient en fait des réfugiés catalans, qui ont d’ailleurs été fort mal accueillis.
Tout cela aurait pu s’arrêter là, si le régime franquiste n’avait pas été une lamentable dictature. Mais tout ne s’est pas arrêté là et Madrid n’a eu de cesse de « mater » les Républicains et par là même les Catalans, en particulier en leur disputant l’autonomie qu’ils revendiquaient.
Mais à force de se sentir colonisé et non pas intégré, un sentiment national a eu la place pour se développer. Belle leçon mais qui ne sert à rien, hélas. À suivre
Michel Costadau
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