C’est Zabeth à la Fête à Martine qui me dit : est ce que tu aimes Giono ? Réponse : ben oui je suis même en train de le relire en ce moment. Elle me donne alors un petit livret intitulé « Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix» de 1938 que je ne connaissais pas. Elle me demande seulement de lui dire ce que j’en pense, après lecture bien sûr.
Je suis donc en train de découvrir cette lettre de Giono et ce n’est pas complètement inintéressant pour trois aspects : une ode à la civilisation paysanne en train de disparaître, la prémonition d’un bouleversement du monde et une grande puérilité dans les propos.
Giono qui est le maître du sentiment intérieur porte aux nues une civilisation paysanne et artisanale, basée sur l’autarcie et la complétude, mais quand même en train de se casser la figure. Pour lui le vrai paysan produit tout ce dont il a besoin, non seulement pour vivre mais aussi pour son habillement et tous les besoins de la ferme. C’est une vision idyllique et décalée car il n’est jamais question de mauvaises années, de maladies ou de mal au dos. Faire paysan n’est pas un métier mais c’est un état qui consiste à tout simplement « être » et à profiter du bonheur des choses. De même l’artisan est un individu totalement libre qui fabrique un produit fini en maitrisant toutes les étapes et compétences nécessaires et non pas en ne faisant qu’une partie de l’objet comme l’ouvrier. On a d’ailleurs le sentiment qu’il n’aime pas trop les ouvriers qui sont pour lui des paysans qui ont craqué.
En fait ce n’est pas seulement bucolique car c’est de force morale dont il parle mais pour constater que paysans et artisans sont condamnés car incapables de faire face à leurs besoins, le paysan parce que son blé est en stock et ne se vend pas et l’artisan parce qu’il n’arrive pas à livrer les commandes qu’il a acceptées. Et c’est donc la fin de sa civilisation préférée, celle de la terre. Il le voit, il le regrette, il en souffre et il le dit. C’est par moments pathétique.
Cependant avec les paysans Giono poursuit un but : leur montrer qu’en cas de guerre c’est toujours eux seuls qui sont envoyés à la boucherie car les ouvriers sont occupés à produire dans les usines tout ce qui est nécessaire à la guerre. Il sent que les paysans pourraient avoir une réaction violente face à leur disparition mais il les exhorte plutôt au refus de la guerre avec une méthode inattendue qui consiste à ce que chaque ferme ne produise plus que ce dont elle a besoin pour nourrir sa famille de façon à ce que les militaires qui, eux, vivent sur les surplus, n’ayant rien à manger soient obligés de proposer la paix. C’est franchement naïf, inoffensif, mais international puisqu’il voit ça aussi bien en Allemagne qu’en France.
Il bute là sur l’écueil classique de tous ceux qui sont convaincus qu’il faut arrêter les guerres, enlever leur pouvoir aux financiers et rétablir la démocratie : c’est comment y parvenir. La réponse de Giono est franchement candide, mais reste posée.
Par contre il a une vision très originale de la pauvreté qu’il appelle la mesure. Pour lui la mesure c’est le juste besoin. La satisfaction du juste besoin étendu à l’ensemble de la société voire du monde, doit permettre de nourrir tout la planète et d’éviter les surplus qui sont la base de l’enrichissement des dominants. Cette notion résonne bien aujourd’hui avec les méfaits du commerce mondial.
En conclusion, Giono est toujours le champion du bonheur simple et naturel, que chacun peut obtenir en ayant des envies et en les maîtrisant. Mais sous son label de pacifiste je sens surtout l’anarchiste non-violent. Ce qu’il pense de la monnaie, des gouvernants, de ceux qui produisent uniquement pour gagner de l’argent est encore de la plus grand actualité. Hélas.
Au fait merci Zabeth.
Michel Costadau
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