Concombre en rondelles et tomate en quartiers font une excellente salade. Le vert et le rouge se juxtaposent pour former un mélange attractif autant visuellement que gustativement. C’est de saison, c’est rafraîchissant et c’est facile. Par contre, une fois dans l’assiette pour les manger il faut les attraper et ça demande deux stratégies.
Pour les tomates, impossible de les piquer à travers la peau, il est nécessaire de glisser la fourchette sous les morceaux pour les porter jusqu’à la bouche. Au contraire, pour les concombres, impossible de glisser la fourchette sous les rondelles qui adhèrent à l’assiette avec l’aide de la vinaigrette. Du coup il est obligatoire de les piquer pour pouvoir les manger.
On voit donc que pour ce plat, deux tactiques sont nécessaires : glisser et piquer, et pourtant le but est unique à savoir manger une salade. Cette nécessité amène par principe une contradiction puisque étant une salade il n’est pas possible de trier les morceaux. Il y a donc une forte dégradation de l’efficacité de l’action. Ah !
En fait tout le monde finit par y arriver, même si c’est avec plus ou moins d’apprentissage. Eh oui comme c’est un plat à priori saisonnier, tout le monde a le temps d’oublier la méthode et doit la réapprendre chaque année. Hum !
Voilà, voilà mais bien que ça s’y prête, pour une fois, je ne veux pas parler de politique mais de pique-nique. Parce que c’est l’aventure de base de l’été, afin d’y déguster cette fameuse salade. Et question de surprises c’est un parcours du combattant haut niveau.
D’abord choisir l’endroit. L’approche se fait bien sûr en voiture puisque maintenant tout le monde habite en ville et le pique-nique à la campagne en est la nécessaire compensation. L’endroit doit revêtir des caractéristiques précises plat, avec ombre, herbe et papillons, au bord d’un torrent c’est un plus. Mais la rareté aidant, on se retrouve souvent en bord de champs clôturés, avec des odeurs de bouses et les mouches qui vont avec. Quand à la platitude, on a beau étendre une nappe par terre, en général un drap de la grand-mère, ou même une table de camping, l’horizontalité fait cruellement défaut et les verres ont tendance à se vider tout seuls. En fait de liquide, la bière est incontournable mais clairement elle voyage très mal pour finir moussante et tiède dans un gobelet que l’on doit garder à la main faute de savoir où le poser.
Alors il y a la table pliante qui amène une autre contrainte, c’est qu’il faut des sièges pour être à la bonne hauteur, ce qui repose le problème de l’équilibre et les sièges, même pliants, encombrent le coffre voire plus. Quant à les porter au bout du chemin, on se lasse vite et on les pose avec l’idée de les prendre au retour, à moins qu’on les oublie. Ou alors on reste à proximité de l’auto, ce qui enlève beaucoup de charme à l’escapade.
Pour le contenu, certes le sandwich est de base mais, on ne sait pour quelle raison incompréhensible, le taboulé a un succès fou. Seulement le taboulé est difficile à attraper avec un couteau, mais qui a oublié les cuillères hein ? et procure rapidement un effet d’étouffement qui vous coupe durablement l’appétit. Je ne parle pas bien sûr des insectes suspects, des lézards et autres rampants, voire des chiens ou des chats que l’odeur du jambon attire irrésistiblement. Il est bien entendu impossible de chasser tous ces intrus, les enfants étant ravis de ces visites. C’est le cas où il faut involontairement partager son repas.
Ensuite arrive l’irrésistible besoin de sieste, pour les adultes je veux dire, car les jeunes entreprennent rapidement une exploration des lieux avec piqûres, morsures, voire glissades à la clé. Faute de pouvoir dormir, tout le monde entreprend la balade, mais le courage des marcheurs se heurte rapidement aux lois de la gravité qui pour être universelle n’en est pas moins pénible surtout après un repas. Par compensation, le retour se fait dans la joie car on va retrouver la civilisation.
Mais l’aventure, c’est l’aventure et le souvenir du pique-nique meuble les soirées d’hiver.
Allez l’année prochaine on y retourne.
Michel Costadau
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