Mais les herbes résistantes c’était la contestation de son don. Enfin pas tout à fait puisque seules certaines herbes lui résistaient, toutes les autres se desséchant comme d’habitude. Mais Guy se demandait comment les herbes pouvaient faire une différence quand il marchait dessus. N’ayant pas la réponse, il se tourna vers ses parents qui lui expliquèrent que c’était tout simplement grâce à des opérations génétiques que certaines plantes devenaient résistantes. Ils évitaient de dire manipulations, ça faisait plus clean.
A Guy ça ne lui plaisait pas beaucoup tout ça, ni la résistance ni la manipulation, d’autant plus que voilà pas qu’un jardinier avait porté plainte contre ses parents pour mise en danger de la vie d’autrui, ce qui en décodé veut dire tentative d’assassinat. Et que c’était lui l’assassin présumé.
Bien sûr ses parents avaient largement les moyens de prendre les meilleurs défenseurs et au début ils ne se firent pas trop de souci. En effet les avocats naviguaient entre l’efficacité du traitement et son innocuité pour l’homme. C’est vrai que très nombreux étaient les utilisateurs de Guy, y compris dans le domaine public, cours d’écoles, rues, parkings, bords de route, jardins publics. A cela s’ajoutaient tous les particuliers qui trouvaient plus facile le pulvérisateur que la binette. Avec en plus des doses assez peu contrôlées, « je vais en mettre un peu plus en cas ». Cependant aucune maladie ou décès ne pouvait encore être attribué à Guy.
Et donc, en référé, le plaignant fut débouté, mais avec un avertissement sur l’éventuelle nocivité du produit. Car si le danger n’était pas prouvé, l’innocuité non plus. Alors le jardinier attendit le jugement.
Tout cela avait largement ému l’opinion, en particulier le fait qu’il commençait à se savoir que les parents Phozat avaient délibérément menti et truqué certaines études. Le public découvrait que les analyses prétendument scientifiques étaient directement commandées et payées par les parents de Guy avec un biais constant pour éviter toute notion de nocivité. Du coup de nouvelles études furent lancées et une certaine suspicion commença à se faire jour.
Le procès en appel débuta mal pour le jardinier, car les avocats des parents essayèrent de persuader les juges qu’il était très difficile de comprendre les rapports des experts, et que pour cela ils devraient peut être suivre quelques années de formation sur les techniques génétiques pour se faire une opinion. Cette stratégie fut une erreur car les juges leur indiquèrent froidement que ce n’était pas à eux d’être des experts mais que par contre ils avaient une grande expérience pour juger si des personnes disaient vrai ou si elles essayaient de cacher quelque chose.
Du coup, beaucoup de nouvelles études furent lancées. Dont une expliqua carrément que Guy était un cancérigène probable. Lui, qui rendait service à la moitié du monde, cancérigène, il n’en croyait pas ses oreilles.
Et le procès durait. Pendant ce temps, les pouvoirs publics commencèrent à interdire l’emploi de Guy dans les lieux publics. Paradoxalement, cette mesure qui aurait pu créer un peu d’activité de désherbage manuel pour les jeunes ne fit que transformer trottoirs, allées et bandes centrales en zones abandonnées, comme il y en avait déjà beaucoup.
Alors arriva le coup de tonnerre du verdict. Non seulement Les Phozat étaient reconnus coupables mais de forts dommages et intérêts leurs étaient appliqués.
Bien sûr les parents se pourvurent immédiatement en appel mais le rejet du don de Guy devenait mondial sauf en France ou l’absence de démocratie permettait aux Phozat de manipuler les parlementaires.
Pas pour longtemps espérons-le.
Michel Costadau
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