Ah mais alors quel suspense ! Je veux parler de cette date fatidique du 28 mars 2019 à 11h59. Oui c’est l’ heure ou les Britanniques doivent quitter le navire. Et que va-t-il se passer ce jour-là ? Vous voulez le savoir : eh bien rien, voila il ne va rien se passer. Et le lendemain ? le lendemain eh bien rien non plus. Mais quand même dans les semaines qui suivent il va bien se passer quelque chose ? Eh bien non, rien, toujours rien.
Ah me direz vous, mais c’est parce que c’est reporté. Oui c’est presque sûr la date va être repoussée de 2 mois et puis peut-être encore de 2 ans. Bon mais alors au plus tard dans 2 ans à force de la force ce sera le brexit ? Eh bien non rien, rien, rien.
Ah bon mais alors tout ça pour ça.
Oui tout ça pour rien. On explique.
Si vous vous souvenez, les motivations des Britanniques il y a deux ans tournaient autour de quelques points de souveraineté : immigration, justice européenne, régulation économique. Et ce scrutin a été marqué, comme partout ailleurs, par une forte poussée populiste. Et dans le sentiment populiste il y a une seule dimension : c’est la dimension america first qui se traduit par des penchants nationalistes, xénophobes, antisystème et de repli sur soi.
Evidemment ces sentiments n’ont aucun rapport avec le marché commun qui est seulement une histoire de gros sous des financiers. On voit d’ailleurs là toute la perversité du vote dit démocratique : les électeurs ne répondent jamais à la question posée mais manifestent seulement leur humeur du moment. Et donc le résultat ne veut rien dire. En général.
Seulement voilà, le résultat du scrutin qui nous occupe voulait dire en bon français : d’accord pour sortir de l’Union européenne et du Marché commun. Et ce dernier point, les financiers et une bonne partie de la population ne le souhaitaient pas et le souhaitent encore moins.
Ah je vois que ça commence à s’éclaircir. Ce que demandaient les électeurs avec leur vote populiste n’est pas du tout incompatible avec le maintien des financiers dans les délices du marché commun. Pas du tout. Nous voila donc avec une situation cornélienne, qu’on pourrait presque qualifier de shakespearienne : comment sortir de l’Union européenne tout en restant dans le Marché commun. Cette contradiction mobilise tous les fins esprits de la planète depuis deux ans et ils sont en train de trouver les solutions. Et même ils les ont trouvées. Certes ces solutions ont été, momentanément, rejetées par les députés britanniques, mais avec quelques retouches c’est celles qui seront adoptées. Et ces solutions ont justement la particularité de ne rien changer.
Attention je ne veux pas dire que rien ne va changer. Non, mais ce n’est pas ce que vous croyez qui va changer. Pas de modifications de frontières, pas de modification de salaires, pas de modification de scolarités, pas de modifications de droits, pas de modifications de prix. Non la seule chose qui va changer c’est que les Britanniques ne seront plus sous la tutelle de Bruxelles, tandis que les financiers continueront de s’abreuver aux 300 millions de consommateurs européens. Ça s’appelle le beurre et l’argent du beurre. Je me demande s’il n’y a pas des Anglais dans le coup.
Michel Costadau
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