Déjà un peu affecté par le premier procès et son verdict à 200 M$, les Phozat voient alors arriver d’autres procès pour empoisonnement et cette fois au niveau national et non plus régional. En fait plusieurs centaines de plaintes à des degrés divers d’instruction judiciaire, mais toutes visant la dangerosité voire la mortalité du produit mystérieux pour lequel Guy avait un don.
A cela s’ajoutait la campagne d’analyse d’urines qui avait tendance à montrer que le poison était maintenant présent partout et du coup chez tout le monde, en ville comme à la campagne. Ces analyses avaient une fâcheuse tendance à remettre en cause les formidables vertus du traitement par Guy des champs et des jardins. En effet les parents de Guy, Mont Santo et la mère Bayer vantaient la volatilité de l’effet. Sitôt Guy passé, disaient-ils, plus aucune trace d’un éventuel produit, tout était évaporé, recombiné, en gros disparu. Et voila que maintenant il fallait expliquer qu’il y en avait partout et que ça se fixait au moins dans les urines. Euh difficile à justifier.
Autant dire que le moral était assez bas. Certes ils étaient encore largement soutenus par la classe politique qui, corrompue par les lobbies, refusait toujours de légiférer sur le sujet, mais ayant néanmoins un peu le sentiment qu’une nasse commençait à se refermer.
Heureusement pour eux, dans le même temps, les parents Phozat et tous leurs amis du business cherchaient à retourner la situation à leur avantage. Et le miracle se produisit : la fédération des exploitants, qui était le syndicat des utilisateurs des vertus désherbantes de Guy fut chargée par les politiques de mettre un terme à son utilisation. Oui exactement, le gang des pollueurs fut chargé de mettre fin à la pollution. D’un seul coup la situation s’inversait. C’est comme si on demandait à l’Église de lutter contre la pédophilie, ou aux compagnies pétrolières de combattre le réchauffement. C’était une victoire inespérée qui laissait augurer de longs jours d’utilisation de Guy avec les rendement financiers correspondants. En fait, cette incroyable capitulation des politiques avait été préparée depuis plus d’un an avec ce que le syndicat et le gouvernement avaient appelé contrat de solution. Ce vocable ne voulait évidemment rien dire mais c’était le genre de mots fétiches de la technocratie. La mesure avait été proposée aux Etats Généraux de l’Alimentation, vaste fumisterie destinée à leurrer les consommateurs sur les méfaits de l’agriculture chimique. Et dans cette kermesse, avaient été vantés les mérites de la cogestion entre le syndicat et les pouvoirs publics. Evidemment s’il s’était agi de faire pression ensemble sur les négociants et les groupements agricoles, ça aurait eu du sens mais là il s’agissait d’une capitulation en rase campagne des politiques. Il faut dire que la fédération des pollueurs avait pris l’engament de supprimer l’utilisation de Guy….sauf exceptions. Le problème était que les exceptions couvraient à peu près tous les cas d’utilisation pour la viticulture, l’arboriculture, les cultures céréalières et l’élevage. Seul le maraîchage non industriel semblait devoir se passer de Guy. On était donc passé de la suppression de l’utilisation de Guy a des notions de pourcentages, par exemple 30 % de moins en dix ans. Autant dire la continuation pure et simple de l’empoisonnement.
Cette situation catastrophique résultait classiquement de la puissance des lobbies et de la corruption des politiques, et commençait à monter l’opinion contre les agriculteurs-pollueurs. La rue allait-elle suppléer aux manquements des gouvernements ? La question reste posée.
Michel Costadau
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