Le billet, à priori non politique, met en scène un débat entre deux personnes. Nous prendrons la place d’une des personnes qui a justement des griefs contre l’autre et qui aimerait bien le lui faire savoir. Nous ignorons complètement les motivations, arguments, éléments dont dispose l’autre personne. Nous sommes d’un seul côté. Il faut aussi savoir qu’il y a un public imaginaire qui assiste au débat et se fait son opinion.
La question est : notre personne a-t-elle intérêt à sortir tous ses griefs avec les preuves qui vont avec en une seule fois, puis demander à l’autre de répliquer et de se défendre. Ou au contraire est-il préférable de sortir les arguments un par un en demandant à chaque fois à l’autre de répondre.
Bon voilà. À priori chaque méthode a ses avantages.
Celle de mettre le paquet en dévoilant d’un coup tous les méfaits supposés de l’autre permet de plomber le débat pendant un moment et de se mettre à l’abri des premières réponses de l’autre qui ne peuvent être que partielles. Cela permet aussi de désarçonner l’autre qui ne sait pas par quel bout commencer et perd du temps.
Celle de distiller les accusations une par une donne une lenteur et une continuité au débat, qui permet de penser qu’il y a toujours une nouvelle pierre qui va sortir et qu’il sera difficile de la réfuter. Cela a aussi l’avantage de pouvoir répliquer au fur et à mesure à des remarques faites par l’autre.
Évidemment chaque méthode a aussi ses inconvénients.
Pour la première, après notre exposé nous déroulons un boulevard à notre adversaire qui a la parole jusqu’à plus soif. Il peut à loisir démolir nos arguments ou donner l’impression qu’il les démolit les uns après les autres. Ayant déjà eu longuement la parole nous ne pouvons pas trop répondre et ça pourrait se finir mal pour nous.
Pour la seconde, il faudrait que chaque argument exposé successivement soit très fort afin que l’autre ait du mal à les contrer. Si ce n’est pas le cas nous allons donner l’impression que nous n’avons pas de bonnes raisons car chaque fois que nous sortons un grief il est réfuté dévié ou contourné. C’est un peu comme la légende des Horaces et des Coriaces où les adversaires nombreux au début sont isolés et éliminés un par un.
En fait aucune des deux méthodes n’est satisfaisante en soi. Nous allons donc envisager une combinaison des deux, c’est-à-dire ni tout jeter dans la bataille en une seule fois, ni égrener les griefs un par un.
Comme évoqué plus haut, il est aussi très important de tenir compte de la force des arguments. L’idée est alors de choisir l’argument le plus pertinent, le plus fort et d’organiser les autres pour le renforcer comme des contreforts.
Du coup ça se corse car il faut trouver ce fameux argument béton, unique mais puissant, qui va nous permettre de structurer notre intervention. Hum, disons d’abord, que si après sérieuse investigation cet argument n’existe pas, mieux vaut alors faire profil bas puisque nous nous sommes convaincus nous-mêmes de la faiblesse de nos griefs.
Si, au contraire, il existe, alors nous devons très bien organiser sa mise en scène. Un peu comme une courbe de Gauss. Quelques reproches en entrée, où nous pouvons laisser des miettes à l’opposant pour lui faire croire que ça ne sera pas si difficile que ça, puis rapide montée en puissance du discours vers l’assommoir qui doit laisser l’adversaire sans voix. Une fois ce petit moment de jouissance passé, décroissance en disant que nous n’avons pas tout utilisé, que l’on pourrait rajouter ci ou ça mais que l’essentiel est fait.
Seulement bien sûr tout débat est risqué et ça ne se passe pas toujours comme prévu. C’est pour cela que les politiques ont inventé le discours et surtout le discours télévisé. Là c’est zéro risque.
Michel Costadau
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