On se promène avec les pieds, c’est sûr, mais surtout avec les yeux. C’est fou ce que l’on peut observer le long des chemins. Après la pluie, on trouve sur les feuilles jonchant le sol des perles d’eau, mystère d’équilibre puisque rien n’entoure cette bulle liquide et mystère de pureté transparente et brillante à la fois. Il y en a des petites presque rondes mais aussi de plus importantes qui se tassent sous leur propre poids mais sans s’étaler.
Tiens le ruisseau ne charrie plus ses flots terreux, comme dans les inondations, mais une eau presque claire, signe que le ravinement de surface des champs est fini et que c’est la nappe qui l’alimente. L’écoulement du ruisseau paraît presque figé avec ses fortes courbures et ses remous à liseré blanc qui restent toujours au même endroit mais qui paraissent remonter le courant sans bouger.
L’eau n’est pas froide. C’est vrai qu’il a fait chaud cet automne et il y a même des bourgeons qui ont commencé à gonfler sur la vigne, les rosiers et les pivoines. Heureusement que quelques gelées matinales ont stoppé le processus et que cela ne concernait que quelques bourgeons terminaux. Visiblement tous les autres sont restés bien clos.
Ici il y a des traces de pattes. Sangliers et chevreuils sont assez faciles à reconnaître mais je confonds un peu celles des chiens et des blaireaux. Suivre des traces me surprend toujours par leur brusque apparition ou disparition. On peut les voir pendant plusieurs mètres et puis d’un seul coup plus rien, comme si l’animal s’était envolé, où alors retourné mais on verrait le piétinement ou les doubles traces d’aller et retour. C’est vrai que les sauts que font les chèvres sont si impressionnants qu’il est facile de comprendre comment perdre leur trace. Celle d’un chat on n’en voit presque jamais, ou alors sur le capot des voitures. C’est fou ce que ces félins aiment la chaleur.
Je me dis que chien et chat ça commence par che, comme cheval et champs. On dirait que la ferme a forcé sur le che. Il y est aussi dans chèvre et vache et cheminée et chenet. Bon ça n’a peut être aucune logique mais quand même ça en fait pas mal auxquels je pense en suivant mon chemin.
Souvent il faut enjamber une branche cassée ou même un arbre couché. Les arbres morts tiennent très longtemps debout perdant petit à petit toutes leurs branches en commençant par celles du haut, et puis d’un seul coup de vent ils se cassent en mille morceaux, déjà à moitié rongés par de petits organismes souvent invisibles. A vrai dire, ceux qui ont une grande taille se couchent les uns sur les autres en tombant, rendant le passage difficile sauf pour les animaux qui se faufilent très bien. C’est là encore un paradoxe moderne que la désertification des campagnes a entraîné le développement de la faune sauvage qui du coup fait des dégâts dans les cultures ou dans les élevages, amenant les pouvoirs publics à autoriser la destruction de ces dits nuisibles.
Comment l’homme va-t-il réoccuper la nature alors qu’il ne fait que s’entasser en ville dans des grottes de béton et de goudron. C’est vrai qu’en ville il y a le travail. Mais le travail c’est exactement le contraire de la promenade, ça fatigue les yeux au lieu de les nourrir.
Michel Costadau
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