Il serait, quand même, utile de tirer quelques enseignements de l’épisode viral que nous vivons.
D’abord décrivons l’évènement : il apparaît soudain un nouveau virus du type HN, très contagieux, sans vaccin connu et létal pour une partie indéterminée de la population. Sa contagiosité fait qu’il envahit la planète en peu de mois, quelles que soient les mesures de protection prises, très inégalement d’ailleurs. La granularité, pour le comptage des décès épidémiques et la mise en œuvre des mesures préventives et curatives, est le pays, ce sont donc les États qui réagissent.
Regardons alors quelles sont les stratégies possibles des États, il y en a trois : l’éradication, l’explosion et la prolongation. Nous allons évaluer chacune de ces trois possibilités en termes d’avantage/inconvénient.
Commencons par la description de ces 3 méthodes.
L’éradication consiste à empêcher, et il faut agir très vite, le virus de se propager. La technique est basée sur la détection des cas, suivie du cloisonnement et de l’isolement de façon à ce que les cas ne soient plus en contact avec le reste de la population. Le virus ne pouvant se multiplier diminue et s’éteint assez rapidement. C’est la technique qui a été utilisée en Chine, en Corée, au Vietnam, dans quelques pays d’Asie et partiellement en Allemagne. Cette technique demande une énorme capacité de détection et de grands moyens d’isolement.
L’explosion est à peu près le contraire. Il s’agit de laisser le virus se développer au maximum dans la population en prenant des mesures préventives et curatives de masse. Le virus atteint donc assez rapidement toute la population et déclenche la maladie chez les personnes sensibles, puis suit une loi de décroissance pour arriver au stade endémique. Cette technique demande une bonne maîtrise des moyens de protection de la population contre la prolifération virale et une grande réactivité dans les soins à apporter aux malades. C’est partiellement la technique qui a été utilisée au Brésil, aux USA, en Suède et dans beaucoup de pays africains. C’est aussi ce qu’aurait voulu faire le RU.
La prolongation n’est pas vraiment une stratégie, mais la méthode par défaut quand un État n’a pas la volonté ou les moyens de mettre en œuvre une des deux autres. Il s’agit alors de seulement ralentir la progression du virus par des mesures sociétales pour étaler la contagion sur des mois voire des années. Les techniques utilisées sont le confinement, la fermeture de beaucoup de lieux, de commerces et d’activités, ainsi que la restriction des déplacements professionnels. Cette méthode demande peu de moyens techniques et sanitaires et est donc facile à mettre en œuvre, mais dure tant que l’ensemble de la population n’a pas été contaminé ou vacciné. Ce qui prend beaucoup de temps. C’est celle qui a été utilisée par la France et par une bonne partie des pays européens avec diverses ampleurs, ainsi que par des pays sud-américains.
Nous pouvons maintenant évaluer les avantages et inconvénients de chaque stratégie.
La première, l’éradication, a l’avantage insurpassable de réduire drastiquement le nombre de victimes et de permettre d’attendre plus sereinement un vaccin. Par contre, elle demande une bonne anticipation et préparation ainsi qu’une grande réactivité étatique en particulier pour pratiquer des tests en grande quantité, de l’ordre de plusieurs centaines de milliers par semaines. Mais elle a l’inconvénient d’être une prise de risque énorme par le pouvoir en place qui doit être extrêmement coercitif pendant quelques jours à quelques mois sur une partie de la population, sans pourtant être sûr de réussir. Ce risque et l’incapacité de beaucoup d’États à mettre en œuvre le volume de tests, a conduit à n’appliquer cette stratégie que dans peu de pays, bien qu’elle aurait dû s’imposer comme une nécessité dans tous les grands pays.
La seconde, l’explosion, a l’inconvénient de faire beaucoup de victimes assez rapidement avec un effet psychologique désastreux au moment du sommet de l’épidémie, mais l’avantage de permettre à la population non touchée de continuer à mener un genre de vie avec un minimum de contraintes. Elle a aussi l’avantage, une fois le pic passé, de voir une décroissance encourageante des cas et un retour à la normale assez rapide. Le passage du pic demande, évidemment, une bonne confiance entre le pouvoir et la population afin d’éviter les mouvements de panique. Elle est plus appropriée pour les petits pays, voire pour les régions.
La troisième, la prolongation, n’a que des inconvénients puisque d’une part c’est celle qui procure le maximum de victimes en vagues successives qui peuvent ne jamais s’arrêter et d’autre part elle fait subir à la population de lourdes privations de libertés ainsi que des perturbations sociologiques difficilement mesurables. En outre elle a tendance à faire entrer le vaccin dans sa stratégie bien avant qu’il soit d’une efficacité cernée. C’est donc le régime de la triple peine : maximum de victimes, maximum de contraintes sociétales, maximum de prise de risque par rapport au vaccin. J’ajouterai que, dans le cas de la France, l’introduction d’autorisation de circuler a fait basculer le pays dans une atmosphère ubuesque, qui n’a rien apporté de positif.
A la lumière de cette évaluation, il est facile de comprendre que notre pays n’a pas la capacité technique ni l’organisation pour pratiquer la première méthode, qui est celle qui minimise les victimes, ni le courage d’appliquer la deuxième beaucoup trop risquée politiquement.
Je vous laisse deviner la suite.
Michel Costadau
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