La mode du complot a le vent en poupe, c’est le moins que l’on puisse dire. À preuve, tous les Français sont traités de complotistes sous prétexte qu’ils n’écoutent pas la bonne parole venue d’en haut. Mais attention il y a des subtilités dans les notions.
Quelqu’un qui pense que sa banque a fait exprès de lui consentir, à lui et à quelques personnes de sa famille, un prêt pour pouvoir le mettre à découvert afin de percevoir des agios élevés est plutôt dans le registre de la théorie du complot. Mais si cette même personne pense que les banques vendent de l’argent à des gens qui n’ont pas forcément les moyens de l’acheter c’est-à-dire de le rembourser, alors elle est plutôt dans le registre de la contestation du système financier.
Il s’agit bien sûr de la même chose et ce n’est pas la manière dont on le dit qui fait la différence, mais le rôle que l’on s’attribue, la manière dont on se perçoit au sein de la société. La différence vient de l’idée que l’on est un objet ou un sujet.
Cela dit, il est incontestable que les dirigeants, qu’ils soient économiques, politiques ou religieux, donnent souvent à penser qu’ils n’arrêtent pas de monter des complots les uns contre les autres. Ce qu’ils sont capable d’imaginer pour se nuire et nuire à la population est assez inimaginable. Et donc quand des citoyens prêtent à d’autres personnes des projets machiavéliques ou évoquent des forces occultes pour expliquer des évènements, ils ne font qu’imiter les donneurs d’ordre. D’où le syndrome. Mais alors comment ne pas tomber dedans.
Il y a, pour schématiser, deux situations possibles :
– La personne se sent complètement impuissante devant les cahots de la vie, comme en bas d’une pyramide échafaudée au-dessus d’elle et dont le poids l’écrase. Elle se ressent comme un jouet de la société n’ayant aucune aptitude à faire quoi que ce soit, presque comme inutile. Elle est alors encline à trouver des mécanismes de fuite, des fissures pour pouvoir respirer. L’édification de ces lignes de fuite utilise alors tous les matériaux imaginable ou pas. Surtout ce qui est inimaginable, car cette échappée a pour but de donner un rationnel à son impuissance. Là est le mécanisme de la construction des croyances. De plus ce mécanisme se trouve renforcé quand ce sentiment est partagé avec d’autres personnes ressentant la même sujétion. C’est à ce moment-la que toutes les portes sont ouvertes pour se croire entouré de complots. Trump battu : complot des démocrates. Virus fabriqué en laboratoire : complot chinois. Le départ de sa femme : complot de la belle famille. Les gilets jaunes : complot de Le Pen.
– La personne est complètement impuissante devant le chaos de la vie, mais comprend qu’il y a un fonctionnement global qui ne la vise pas elle particulièrement, mais tout le monde. Elle sait qu’elle fait partie d’un édifice social mais peut se penser indépendamment de la société et se voir comme si elle était un observateur extérieur. Elle peut du coup voir aussi le monde qui l’entoure et même porter des jugements sur ce qu’elle voit. Ce regard extérieur que l’on peut porter sur soi est le sésame et la clé de la vie en société, car les choses que l’on ne fait pas ne sont pas liées à de l’interdiction ou de la punition, mais au rejet de l’image de soi se voyant faire ça. Cela permet le refus du passage à l’acte : tuer, violer, torturer et croire sans savoir.
Tiens au fait est-ce que vous savez qu’il y a une immense armée sur la face cachée de la lune, prête à nous attaquer. En plus elle est commandée par un ancien pharaon qui n’a jamais perdu de bataille.
Michel Costadau
Comments are closed.