J’ai récemment trouvé une nouvelle pièce du puzzle sur le fonctionnement de nos sociétés. Il s’agit du rôle et de la place de l’État. Jusqu’à maintenant j’avais la vision d’une entité au-dessus de nous chargée de distribuer et de répartir les ressources de la nation, de dispenser l’éducation, de rendre la justice, de nous maintenir en bonne santé, d’entretenir une armée pour nous défendre et deux ou trois autres bricoles.
Je ressentais cet État comme une partie de nous mêmes, en opposition aux anciennes pratiques dictatoriales royales ou impériales qui semblaient se l’être approprié. Il était même question de plusieurs types d’État, de l’État providence des social-démocraties à l’État minimaliste US.
L’État providence ayant la réputation de ne laisser personne sur le bord de la route et de dispenser des aides … à ceux qui en ont besoin. En particulier le besoin de travail c’est-à-dire de salaire avec une emphase déterminée pour la protection de l’emploi.
L’État minimaliste misant plutôt sur la capacité entrepreneuriale de la population pour créer de la richesse. Ce modèle n’étant pas tant que ça minimaliste sur les aides mais plutôt maximaliste sur la liberté d’entreprendre avec une grande souplesse dans l’embauche-débauche.
Il me paraissait évident que tous les pays aient un État et beaucoup de révolutions et de luttes avaient pour objet de s’en emparer ou de le défendre. En tous cas la pensée générale était que l’État était un régulateur des inégalités en ponctionnant un peu plus les riches, en aidant un peu les pauvres et qu’en gros il voulait notre bien. Cerise sur le gâteau, c’est lui qui portait les valeurs de la République, en particulier l’égalité.
Pour des raisons difficiles à comprendre l’État providence avait des senteurs de gauche et le minimaliste des relents de droite. Certes le médaillon a un peu jauni depuis quelque années tant la répartition de l’argent public favorise toujours les mêmes, la continuelle démolition de l’éducation nationale semble une priorité, la justice n’a plus grand-chose d’équitable, la santé est une machine à faire de l’argent et l’armée ne sert plus qu’à défendre les multinationales. Oui, bien que tous ces travers soient connus, je n’avais pas encore percuté que l’État n’est plus qu’un instrument aux mains du capitalisme. Dur dur.
C’est peut être cette notion de budget qui m’a aveuglé pendant longtemps. Tout cet argent collecté dans nos poches me donnait l’impression que c’était notre argent et que c’est nous, via nos députés, qui le répartissions au mieux. C’est un peu étrange que je n’ai pas compris plus tôt que je n’avais aucun pouvoir sur cette répartition, et qu’il est clair que l’État loin d’être au service de chaque individu est le principal garant de notre exploitation.
Le capitalisme a vite été attiré par l’argent collecté par le pouvoir, en se disant que s’il pouvait s’en emparer il pourrait l’utiliser au mieux de ses intérêts. Je l’ai déjà dit, mais cet argent a la particularité de ne rien coûter à ceux qui le dépensent. Ça a pris quelques années, via la sanctuarisation des hauts fonctionnaires, le contrôle de l’accès aux administrations et quelques formations ad-hoc, mais la finance a mis la main sur tous les étages de l’État et l’utilise maintenant à son plus grand profit. Certes cela n’a été possible que grâce à la mise au rencart de la représentation nationale et c’est pour cela qu’a été inventée la Cinquième république. Là est la blessure fondamentale de notre société. L’absence de parlement a laissé tous les pouvoirs à l’administration organisée en ministères à contours variables, mais œuvrant tous pour protéger l’argent tout en étant à l’abri des lois puisque ce sont eux qui les font.
Du coup il est plus facile de comprendre pourquoi un changement de gouvernement ne se traduit par aucun changement de politique, puisque ça ne change pas L’État, c’est-à-dire l’administration, elle-même au service de la finance.
Il est du même coup plus facile de comprendre pourquoi il ne sert à rien de vouloir prendre le pouvoir par les urnes, puisque ce ne sont pas les élus qui décident mais ceux qui les payent.
Michel Costadau
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