Maintenant il me faut préparer une livraison à Bayonne et une à Limoges. Je dois pouvoir faire les deux du même voyage mais il me faut bien coordonner le truc. Surtout je me réjouis à l’avance de revoir Timor et aussi les sœurs de Bulan. Deux jours de travail c’est vite passé. Du coup je prépare ça minutieusement pour éviter toute surprise, autant que possible.
Et effectivement ça se passe bien avec seulement une demi-journée de retard due à une correspondance ratée à Bordeaux, mais j’ai quand même bouclé mon périple dimanche soir.
J’ai eu des nouvelles de Timor que j’attends lundi dans l’après-midi.
Une bonne nuit, bien nécessaire après mes déplacements, me permet de récupérer et j’attaque le lundi matin en super forme. A vrai dire j’avais oublié que mon installateur d’images devait revenir et c’est lui qui frappe à 9h15.
-Bonjour, vous venez faire les relevés ?
-Oui je dois pouvoir commencer à analyser quelques données. Je ne vais donc pas vous déranger bien longtemps, juste le temps de charger mes fichiers.
-Dites-moi, je n’ai pas trouvé de caméras, où les avez-vous cachées ?
-Oh je ne les ai pas cachées, elles sont dans des éléments de décoration quels qu’ils soient car elles sont comme des caméléons, fondues sur le fond. Tiens je vous en montre une ou deux.
-Ah mince, moi je cherchais au contraire un objet qui se détachait sur le fond, c’est astucieux, je vous laisse travailler, prévenez-moi quand vous partez.
-Disons que j’en ai pour une petite heure.
-Ok j’irai faire mes courses après, pour le moment je vais utiliser l’ordinateur.
Trois quarts d’heure plus tard il m’appelle en me disant que c’est bon pour aujourd’hui et qu’il appellera pour le prochain rendez-vous.
Je pars donc faire mes courses en n’oubliant pas que j’aurai un invité pendant quelques jours. Qui plus est, un invité qui aime bien la table, ce qui est toujours agréable.
En fin d’après-midi, Timor se pointe avec son bagage et après les embrassades et l’installation dans sa chambre, nous démarrons gentiment l’apéritif. Nous parlons de son boulot, enfin j’essaie parce que cette tête de mule se défile en me faisant croire que ça marche plutôt pas mal. D’après ce que je comprends, il vend sur les marchés. Non pas ses produits mais pour le compte de clients allant des huîtres l’hiver, à des matelas l’été, en passant par de la charcuterie à l’occasion.
C’est pour ça que je lui dis que ça pourrait marcher ici car, à part le temps moins chaud, il y a autant de marchés qu’en Roussillon. En plus là-bas, il y a presque toujours du vent, ce qui est loin d’être agréable. Par contre je subodore qu’il ne répond pas toujours aux demandes qui lui sont faites et qu’il travaille un peu en pointillé, ce qui ne lui donne pas beaucoup de moyens. La raison m’échappe parce que à part de la musique je ne vois pas ce qu’il fait à côté. Je lui pose un peu toutes ces questions et ça avance légèrement.
Je comprends surtout qu’il n’est pas à l’aise avec ma légère curiosité. Et je découvre soudain qu’il semble miné par une énorme frustration car son rêve serait d’être berger.
Il se voit bien dans la garrigue emmenant ses brebis dans des endroits qu’il connaît et où l’herbe est abondante. Avec son chien, il s’assied et regarde le troupeau se disperser dans la colline. Un bon berger a le cul qui sent le thym se souvient-il, ce qui veut dire qu’il n’est pas obligé de toujours courir après ses bêtes qui, ne trouvant pas d’herbe tendre, n’arrêtent pas de chercher ailleurs. Cependant berger c’est le dernier des métiers. Ce que supporte plus ou moins facilement le bétail, froid, humidité, soleil, insectes, vent, pluie, le berger doit le subir sans broncher tout en menant les bêtes de brins d’herbe en brins d’herbe pour ne pas mourir et passer la mauvaise saison qui dure plus de la moitié de l’année. Cependant, il y a un problème.
Michel Costadau
Comments are closed.