Da sein
Je me souviens d’une pièce de théâtre: le dernier acteur ne quittait la scène que lorsque le dernier spectateur avait quitté la salle.
Chez moi, je ne sais pas – plus – qui est acteur, qui spectateur. Et surtout, semble-t-il, manque le metteur en scène.
Manquent aussi les meubles, qui ont tous disparu les uns après les autres. Pourtant les amasser avait été chose ardue, volontaire. Heureuse, somme toute.
Et puis toujours cirer le plancher, toujours essuyer la poussière a viré au lassant.
Alors oui, on a enlevé d’abord le piano. Ou bien il est resté et je suis partie.
Avant déjà, j’avais laissé un garage rempli de chaises, de tables basses, d’aspirateurs à réparer.
Ce qui revient à dire que celui qui en a la clé pénètre chez moi sans que je le sache.
Voilà, les choses m’ont quittée et j’ai emprunté une autre demeure. Je vais aux Puces et y achète de nouvelles bricoles, nous sommes assorties, un peu, et puis je jette ou je perds.
Lorsqu’on me demande comment ça va, je ne sais que répondre. D’autant qu’il va falloir bientôt aller me trouver ailleurs.
Qu’est-ce qui m’attend dans ce lieu désigné sans mon accord?
Mes souvenirs s’effilochent et les déplacer à nouveau leur sera cruel. J’avais cru les mettre à l’abri et moi avec. Mais la place manquait aux autres, lorsqu’ils voulaient se reposer chez moi.
Trop de livres, trop de papiers, trop de regrets.
Qui pourrait vouloir me rendre visite.
Et lorsque l’un s’attarde, s’accroche, je le pousse du pied en pleurant. Chez moi, il n’y a pas de place pour deux.
Pendant un temps, les machines ont tenu le haut du pavé: à café, à écrire, à laver, à coudre, à hacher, j’ai même failli en acheter une à tricoter. Tout s’est défait en trois ou quatre jours.
La machine à aimer s’est grippée aussi, faute de lubrifiant. Et puis un rouage s’en est échappé et un des rayons du vélo.
C’en était trop.
Enfin, plus assez.
Il fallait changer d’horizon.
Peut-être c’est là qu’on me trouvera, si on me cherche.
Daniele Lafouge
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