Je n’insiste pas, il semble clair que tout ça est de la foutaise et fait partie de la suite des aventures de ma petite palissade. Le point de départ étant le même que le point d’arrivée, je suis un peu coincé. Comment me sortir ça de la tête ? J’ai sûrement quelques livraisons à faire et ce type des caméras cachées, quand est-ce qu’il revient, je ne m’en souviens plus. Il ne m’a laissé aucun moyen de le joindre, j’aurais dû être plus méfiant oui, tout du moins plus avisé et lui demander un contact. Bon, comme pour les choses sur lesquelles je ne peux rien, je m’en désintéresse complètement. Reste la palissade.
En fait, j’ai deux livraisons à faire dans les Yvelines. Je programme ça pour demain matin. Je devrais y arriver. Timor rentre avec les courses et nous cuisinons des rognons de porc aux champignons. Cuisinons c’est un bien grand mot parce que nous coupons les rognons et les champignons en cubes que nous mettons à la plancha. J’adore les rognons de porc, parce que c’est plutôt fort en odeur et même en goût. C’est ferme, oui je sais ce que certains disent de cette odeur mais c’est souvent psychologique, comme si le poisson sentait la mer. C’est ridicule, par contre les champignons sentent la forêt et même le fumier, on dit couches chaudes en jargon maraîcher, c’est vrai, surtout crus parce que cuits ça s’estompe pas mal. Salade et macaronis complètent le repas. Timor ne parle pas trop, moi non plus. Je lui indique mon programme pour demain. Lui doit revoir Sazak cet après-midi et décider ce qu’ils comptent faire, à priori ce serait cinéma ce soir mais à confirmer. Moi cet après-midi ce sera promenade. Rien de tel pour reprendre la maîtrise de son esprit que de se promener seul. Ça peut être en ville à condition de ne croiser personne de connaissance, mais idéalement c’est dans la nature. Les images que rencontrent alors nos yeux sont la plus grande distraction imaginable. Feuilles, insectes, fleurs, arbres, herbe, nids, même si l’on ne peut pas mettre un nom sur tout, procurent un sentiment de proximité, de connaissance, surtout si c’est un endroit apprivoisé, dans le sens de déjà parcouru, Il peut, en plus, y avoir des conditions particulières comme la neige, le brouillard, du vent ou simplement un grand soleil pour que des images saisissantes tombent sous notre regard. Je me souviens d’une ballade où les feuilles bordées de givre et encore enrichies des couleurs de l’automne avaient l’air bien plus décorées et illuminées que toutes les avenues des grandes villes. Je constatais avec stupeur et émerveillement qu’un arbre a beaucoup plus de feuilles que la plus longue des guirlandes chargées de décorer nos avenues. Et la richesse des couleurs est encore rehaussée par les miroitements que provoque le soleil dans la transparente lumière de l’hiver. C’est ainsi que mon esprit happé par un monde susurrant en silence s’échappe et me débarrasse de mes encombrantes idées qui ne font que ressasser les mêmes problèmes avec le même mur devant moi. Bien sûr il faut y mettre un peu du sien pour que la potion magique marche. Il faut se laisser prendre par le spectacle c’est-à-dire voir et pas seulement regarder, pour que les sensations aillent jusqu’au cerveau. Une fois les images en place le film commence et il n’y a qu’à se laisser porter. Bon ceci étant dit où est-ce que je vais bien pouvoir aller. Je me dis que se balader le long des quais pourrait être sympa.
Après déjeuner, le premier bon moment de la journée se présente. Café sucré bien chaud et journal. Il y a un peu de masochisme dans ma lecture du quotidien puisque je fulmine intérieurement à presque tous les articles qui habillent de velours les haillons du pouvoir. Je suis le premier à dire que les médias sont achetés et quand même tous les jours je me farcis la lecture de leurs mensonges et leur hypocrisie. Heureusement c’est sans images, je ne supporterais pas. Vous me direz : ça entretien la forme et rassurez-vous je ne lis pas tout loin de là, car dès que ça a le moindre relent propagandiste, je zappe consciencieusement.
Michel Costadau
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