Je n’ai pas le temps de passer chez Bulan ce soir et demain matin je fais des livraisons. J’irai demain après-midi. Avec Bulan je n’ai pas de soucis, il est franc et entier car il a du mal à dissimuler ses émotions. Avec sa mère c’est plus délicat. J’ai facilement perçu qu’elle était complexe, avec un esprit assez affûté mais aussi qu’elle pouvait travestir ses attitudes pour que rien ne transparaisse de ses sentiments. Et des sentiments elle en a, vu la manière assez pertinente dont elle porte son regard sur la société et ceux qui y vivent. Cependant, si j’ai bien compris, il y a quand même une personne à qui elle en veut, c’est le père de Bulan, son ex- mari.
On dit toujours que, dans les couples qui ne marchent pas, la cause est moitié-moitié parce qu’il est très rare que l’un des eux soit tellement dévarié que la vie avec lui devienne, ainsi, impossible. Certes, selon l’âge, les ressorts de la mésentente sont bien différents.
Mais le point de départ est que les personnes « sont », c’est-à-dire qu’elles ont un contour fait de plein d’évènements passés, surtout les jeunes, car les vieux oublient facilement, et d’envies plus ou moins avouées. Du coup il y a deux contours qui se côtoient, se mélangent, s’affrontent pour vivre ensemble. Et il n’est pas du tout évident que ça marche.
Mais quelles recettes donner pout cela. Certes l’attirance fait beaucoup dans l’acceptation/découverte de l’autre, au moins pendant un temps. Mais il n’est jamais bon de se contraindre trop longtemps. C’est ça le hic, car alors émerge un sentiment de frustration et de fausse route qui peut vite prendre des proportions hallucinantes conduisant à la séparation.
Alors comment faire pour que ça dure. La première découverte du parcours c’est d’intégrer qu’il n’est pas nécessaire de s’entendre pour faire un couple. Comme l’a dit Vrina le ressort du couple c’est l’attirance et le partage. Tout le monde est d’accord avec cette notion d’attirance mais tout le monde croit aussi que c’est une raison suffisante pour s’entendre. Eh bien non il n’y a pas de lien logique.
Je peux vous donner un exemple c’est le salariat. Ceux qui croient que du moment que l’on a un travail salarié on aime ce que l’on fait, passent sous silence tout les ennuis que chacun raconte sur son travail et la manière dont il est exploité. Et pourtant ça marche, et il y a même de plus en plus de salariés dans le monde. Pourquoi ? Oh c’est simple c’est parce qu’il y a une variable d’ajustement qui s’appelle le salaire. Le salaire n’est en aucun cas la juste rémunération du travail fourni. Non, c’est l’équilibre entre les désagréments de ce que l’on fait et le plaisir de percevoir de l’argent. Si les emplois féminins sont, aujourd’hui encore, moins bien payés, c’est que la variable féminine est quelques points en dessous de la masculine.
Clairement ceux qui sont tout le temps au travail, genre le 996 chinois sont, en général, des gens trop payés. Beaucoup trop payés. A l’inverse, ceux qui se rendent au boulot à reculons, exécutent les ordres sans convictions, voire finissent par tomber dans l’absentéisme, sont en général, des gens pas assez payés. Ou exploités ce qui est la même chose. Certes depuis la gestion calamiteuse du virus par nos gouvernants, la variable d’ajustement s’est enrichie de nouvelles composantes liées à la qualité de vie, comme si le fait de ne pas travailler pendant plusieurs mois avait donné des idées aux travailleurs.
Dans un couple, la variable d’ajustement c’est le divertissement, la distraction, le rire, le contraire de la morosité et de la solitude. Tant que le conjoint vous fait rire, vous distrait, ça peut tenir. C’est dès que vous ne vous amusez plus avec lui, que les choses commencent à craindre. Le boulot du mari, ce n’est pas de gagner des sous, c’est de distraire sa femme, surtout en la faisant rire et réciproquement. Quand je dis le boulot du mari, c’est parce que, dans ce domaine, la variable d’ajustement des femmes est plusieurs points au-dessus de celle des hommes.
Cela dit, la force de l’attirance est vraiment extraordinaire. Il m’est arrivé, à vous aussi sûrement, de voir deux jeunes debout l’un près de l’autre, sans se regarder, se tenant seulement par une main et rayonnant une telle envie de se fondre que l’air en est troublé par le réchauffement des deux corps. Ils cherchent, ils souhaitent, ils veulent ne faire qu’un, être l’un dans l’autre. Et c’est ce qui finit par arriver, le produit de la fusion étant, en général, un adorable bambin. La force de l’attraction peut venir à bout de beaucoup des classiques semeurs de désordre dans un couple genre : le groupe des amis du mari qui organise de folles soirées où il n’y a pas que des hommes, mais aussi quelques femmes, mais aussi les excuses de l’alcool, du travail.
Michel Costadau
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