Très vite, pour la plupart, elles n’ont même plus envie d’y participer. Non pas qu’elles aient peur ou qu’elles ne sachent pas ce qui se passe, non c’est par manque d’intérêt qu’elles s’abstiennent. Il faut dire que les affaires des hommes manquent un peu de subtilité, d’attrait et de variété. Le monde des hommes est fait de discours, d’ivrognerie, de violence et de mensonges. Rien de passionnant là-dedans. Pourtant les hommes s’y complaisent surtout par facilité, par lâcheté. Car les hommes ne sont pas courageux, mais grégaires, immensément peureux, toujours prêts à se planquer derrière le voisin pour qu’on ne les voie pas. Tout au long de l’histoire certains, quand même, ont alerté sur les limites de ce fonctionnement de faiblesse sans noblesse. Ils ont ouvert des portes, indiqué des pistes mais bien plus nombreux encore sont ceux qui ont bouchés ces ouvertures et ramené le troupeau dans l’ornière de la médiocrité. L’homme aime l’ignorance, la fange, les non-dits et il sent mauvais. Pas seulement corporellement surtout idéologiquement, ses idées pourrissent en lui par asphyxie, manque d’air et de renouvellement. Dans leur tête le ménage n’est jamais fait,
-Il me semble que vous forcez un peu le trait, non ?
-Hélas non, Certes il n’est pas défendu de penser à soi, c’est même recommandé. Seulement penser à soi, ce n’est pas du tout aller se cacher quand il y a du danger ou manger la part des autres sous prétexte qu’il n’y a plus rien en magasin. Ce n’est surtout pas boire un coup avec des copains. Cette cérémonie est le remède universel à l’angoisse des hommes. Et justement ça les empêche de penser. Penser à soi c’est presque impossible pour un homme car il lui faudrait imaginer qu’il existe, qu’il n’est pas qu’un morceau du groupe, mais aussi une force unique, petite mais irremplaçable dont l’emploi ne dépend que de lui. Il n’y a pas le monde des hommes et le monde des femmes. Cruelle découverte pour les femmes de s’apercevoir qu’elles ne sont pas un morceau des hommes, parce que hors du monde des hommes il n’y a rien. Il n’y a que le monde des hommes et il nous faut vivre là-dedans. Vous comprenez alors pourquoi les femmes aiment la société des femmes. Elles peuvent y parler des choses importantes, des enfants, des parents, de la disette ou de l’abondance, importantes pour elles mais aussi importantes pour l’humanité. Paradoxalement les hommes se fichent de l’humanité. Ils ont plutôt la préoccupation de la démolition des autres comme solution à tous les problèmes. Nous l’avons encore vu avec la crise du virus où la haine des non-vaccinés a pris les accents d’une extermination. Bien sûr les hommes ne sont pas fiers de ça alors ils n’ont qu’une seule idée en tête : oublier. Et aussi faire oublier, s’abrutir dans l’oubli partagé qui recouvre la vie d’une glaire épaisse et collante. Pour cela ils ont inventé la justice et même l’immanence de la justice, qui n’est pourtant qu’une machine à générer de l’oubli, de l’effacement de la destruction des preuves de son incorrigible couardise. L’homme n’est pas reluisant. Malheureusement pour elles, dans ce terrier malodorant, luisent les femmes comme des feux de naufrageuses sur lesquelles ils viennent se jeter, s’écrouler plutôt dans la fatigue de la jouissance. Jouissance perpétuellement renouvelée avec la même ou avec d’autres mais jamais saisie, jamais durable, jamais accomplie ni apaisée. Depuis toujours le plaisir n’est que masculin, il n’est jamais féminin hors celui de donner, donner du plaisir, chemin qui conduit à donner la vie. Les femmes subissent cette domination avec courage jusqu’à l’emprise, le carcan qui les bâillonne en mettant partout des pièges et des interdits incompréhensibles et intouchables puisque seulement liés à la présence de l’homme à son côté. A ce moment-là elles ne parlent plus elles aboient comme le plus délaissé des chiens qui gémit sans raison en attendant son maître. Et cette emprise les écrase, les annihile, les raye de la carte du tendre, carte dont la recherche n’aboutit jamais. C’est alors que surgit l’autre homme, l’amant sur lequel elles se jettent comme sur un radeau de survie sachant bien que tout cela est éphémère mais quand même quelle joie de bafouer le tortionnaire, de lui infliger une blessure virtuelle. Peut-être même est-il jaloux, rongé par le doute n’osant pas en parler parce que là il ne s’agit pas d’un match de foot, mais d’un ring sur lequel il prend des coups sans pouvoir les rendre, à moins de taper sur sa femme, ce qui est d’abord une maigre revanche et tristement méprisable.
Michel Costadau
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