-Que vous dire, moi je suis dans un cas général que connaissent beaucoup de femmes mais lui est vraiment un cas particulier,
-J’en suis maintenant convaincu et c’est pour cela que j’ai souhaité cette discussion avec vous. Il semble bien difficile de le maitriser, c’est-à-dire de l’empêcher d’agir à sa guise et de vous mettre dans une crainte permanente. Je pencherais plutôt pour que vous cherchiez surtout à vous protéger. Y compris en agissant sur vous-mêmes. Car une partie de son pouvoir tient à ce que vous ressentez et qu’il connait vos faiblesses. J’en ai parlé avec Bulan et nous allons nous prévenir les uns les autres de toutes ses initiatives,
-D’accord, mais vous ne savez pas quand ça commence,
-Ca commence tout de suite. Pour le moment je vais rentrer à la maison car il faut que je voie Timor. Bulan s’occupe de fonctionner avec vous et ses sœurs et moi avec Timor. Tous les moyens de communication sont bons entre nous.
Je dis au revoir à tout le monde et je rentre à la maison me demandant si Timor et Sazak sont toujours là. Je ne trouve ni l’un ni l’autre. Je mets donc en route un seul repas, pour moi, et me prépare l’apéritif que je vais prendre dans le jardin. En buvant à toute petite gorgée mon scotch, je fais le point sur ce que j’ai appris cet après-midi. Ils sont quatre et ont finalement quatre positions différentes. La plus claire est Taqui qui ne veut pas entendre parler de son père et refuse les circonstances atténuantes à sa mère, ensuite vient Bulan qui bloque avec le père et résiste, mais agit plutôt en rempart en essayant de comprendre sa mère. Puis l’on a Vienna tout en compromis avec une bonne analyse mais pas mal de faux fuyant. Il faut dire que c’est elle qui a supporté tout le poids de la relation de couple en continuant de protéger, même si ce n’est pas le bon mot, ses enfants. Et assez loin de tout ça se trouve Sazak que rien n’atteint tout au moins en apparence. Quant à moi je ne comprends pas très bien pourquoi je suis mêlé à cette salade. En plus Timor lui aussi est indirectement dans le coup via Sazak. Bon, au moment où je passe à table voila mes deux artistes qui se pointent les bras chargés. Vite je mets deux couverts de plus, pendant qu’ils me disent qu’ils ont pris une grande pizza, une bouteille de Bandol et un camembert. Je leur sers quand même un apéro pour finir le mien avec eux. Sazak reste au blanc et Timor au scotch qui, il faut le dire, te remplit la bouche et remonte sur les cotés même s’il est un peu fort en degrés.
En fait ils ont été au cinéma voir un western pas trop classique, Johnny Guitar, où le duel final est entre femmes, où le héro n’a pas de pistolets sauf à la dernière scène et où la petite femme têtue qui meurt a tout le long du film le même visage de haine bien trempée figée dans les traits. Ca me rappelle le temps où l’on pouvait aller au cinéma sans du tout savoir ce que l’on allait voir. C’était le Cinéac sous la gare St Lazare. On pouvait arriver n’importe quand puisque le spectacle était en continu avec les actualités, la pub, un Charlot, un Laurel et Hardy le tout durant une heure. On pouvait rester ½ heure ou 2 heures, comme on le voulait. J’étais bien jeune quand j’y allais puisque mes parents n’habitaient pas loin. Sa raison d’être officielle était l’occupation des personnes qui attendaient leur train pour Rouen ou Caen et ce n’était pas cher, mais je me rendais bien compte que c’était, aussi, un lieu de rencontre, car il n’y a pas que le cinéma pour passer une heure avant le départ de son train. On se mettait où on voulait, même si l’ouvreuse avec sa pile vous guidait un peu car c’était tout le temps plein. La théâtralité des actualités était sidérante puisqu’il s’agissait d’un commentaire off sur des images le plus souvent internationales, mais avec toujours la même voix. J’y voyais la fête d’octobre munichoise ou le tour de France cycliste, peut être toujours le même mais avec un suspense hallucinant car le montage et les commentaires associés n’avaient que ce but : créer l’évènement.
Michel Costadau
Comments are closed.