-Bon ok je vois le plan.
Nous nous mettons à table sous les meilleurs auspices et chacun y va de son bavardage. Il est question de taille de grains de plâtre, de durée de séchage et de colmatage de fissures avec des produits exotiques possédant les plus grands mérites. Je comprends de quoi ils parlent mais je ne m’en mêle pas car je ne suis pas à la même hauteur qu’eux. Malgré un ou deux essais je n’arrive pas à mettre la conversation sur la famille de Vienna et nous allons nous coucher calmement.
***
Quand je me lève, je constate qu’ils sont déjà partis pour leur journée de maçon plâtrier, au noir sûrement, mais pour la bonne cause, puisqu’il s’agit de la famille.
Je fais moi aussi un peu de rangement dans la maison avant de sortir mettre un peu d’ordre dans le jardin. Je coupe quelques herbes folles le long du mur de la cuisine, je range les chaises et les tables contre le mur et je me retourne vers la palissade. J’en reste saisi à tomber sur place. Presque toutes les planches ont été modifiées en hauteur et peut-être en largeur. Ca fait comme les créneaux d’un château fort mais complètement irréguliers. A croire qu’un rat gigantesque est venu grignoter mes dosses de bois dur pour laisser un message à sa copine qui, d’ailleurs, ne savait peut-être pas lire. Sans m’en rendre compte je me suis retrouvé assis par terre à essayer de déchiffrer ce message incongru. J’essayais de remplir les découpages vides créés par des lettre ou des signes. Exercice difficile et non couronné de succès, principalement par ce que je n’étais pas sûr qu’il y ait le moindre sens à trouver, ce qui coupait totalement ma concentration. Et puis je me suis demandé quand cela avait pu être fait. Je ne suis pas sorti dans le jardin depuis quelques jours mais je n’ai pas non plus entendu le moindre bruit. Et pourtant il n’a pas fallu cinq minutes pour faire cela. Dans la journée, j’étais quand même plus ou moins là et la nuit le bruit d’une tronçonneuse ou même d’une scie ne passe pas inaperçu.
La première fois que des planches avaient été sciées, j’avais cru à un effet du hasard. Disons plutôt que faute de raison évidente j’avais laissé tomber la recherche d’une cause en me disant qu’elle était sans doute fortuite. Ce coup-là je ne peux plus m’en remettre à la fatalité, il y a quelque chose que je dois trouver. Comment ? Bonne question. Il y a deux manières de chercher selon que l’on sait ou pas ce que l’on cherche.
Si, par exemple, vous cherchez quelqu’un que vous connaissez dans une photo de groupe, la méthode est de scruter chaque visage jusqu’à ce que vous trouviez celui que vous connaissez. Evidemment le groupe peut être important : sur la photo du lancement de l’A380 il y avait plusieurs milliers de personnes. Pour retrouver quelqu’un la dedans c’est pas facile. Mais, néanmoins, il y a une méthode, c’est la comparaison, et elle mène au résultat.
Le cas où vous ne savez pas ce que vous cherchez est plus embêtant. Par exemple l’origine d’un bruit, dans une maison ou pire dans une voiture. Il est évident que lorsque la voiture n’avance pas, il n’y a aucun bruit à part celui du moteur thermique ou électrique. Par contre, dès que l’on roule, le bruit du moteur devient prépondérant rendant difficile le diagnostic d’un cardan avant gauche. La localisation du bruit est elle-même difficile alors son origine encore plus. Dans ce cas-là, la méthode est de procéder par élimination. Cela peut prendre beaucoup de temps parce qu’il faut que le bruit se reproduise et dans une maison ça peut être tout à fait intermittent.
Je me souviens, il y a vingt ans, d’un bruit comme un frottement que j’avais commencé à entendre dans la maison où j’habitais alors. Déjà il m’avait fallu plusieurs semaines pour comprendre qu’il y avait un bruit à des fréquences variables allant de plusieurs heures à quelques minutes. Une fois la notion « il y a dans la maison un bruit dont je ne connais pas la provenance » bien installée, la localisation dans le séjour, mansardé c’est-à-dire directement sous la toiture, a été assez facile en quelques jours par élimination des autres pièces une par une. Mais ce qui provoquait ce bruit restait un mystère.
Michel Costadau
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