-Tu as vu trop de western, dit Timor, en souriant. En plus, pour que ça marche, il faudrait que tu sois sûr de gagner. Et à part un duel à l’alcool je ne vois pas dans quelle discipline tu pourrais l’emporter. Non il me semble que cette famille n’a pas besoin d’un héros mais d’une révolte,
-D’accord, répondis je, mais tu fais un peu partie de cette famille, alors dis plutôt nous que vous. En plus, il nous reste moins d’une heure pour choisir quelle attitude adopter. En m’adressant à Sazak je demande : qu’entends-tu par comportement plus offensif ?
-Je veux dire, répond Sazak, qu’il faut arrêter d’être passif en subissant des attaques mais commencer à donner des coups. Comment je ne sais pas, mais nous allons trouver,
-En fait, reprend Vienna, il est clair nous devons le chasser de nos existences,
-C’est une formule à double sens, indique Bulan, soit nous ne faisons que le menacer et il s’éloigne de lui-même, mais à ce moment-là il peut revenir quand il veut, soit nous le mettons dehors en lui ôtant toute envie de revenir,
-Tu veux dire que cela implique l’utilisation de moyens physiques adaptés, continue Vienna. N’ayons pas peur des mots, il faudrait lui taper dessus, c’est bien cela que tu évoques. Mais qui va le faire ?
-Mais nous bien sûr, enchaîne Taqui, et je ne pense pas être la seule à être motivée. N’allons pas croire que nous avons un rapport de force disproportionné sous prétexte qu’il est seul contre nous. Comme dit mon frère il s’agit de montrer notre commune détermination et non notre isolement des uns des autres. Il nous faut frapper ensemble, c’est un message un peu direct mais c’est le point où nous en sommes. Je suis contente que l’on aborde cet aspect plutôt que les habituelles discussions de résignés qui ne débouchent sur rien,
-En fait je suis complètement d’accord, répond Bulan. J’ai toujours cherché à protéger maman, même en rabrouant la vindicte de mes sœurs, mais j’éprouve les mêmes sentiments qu’elles. Nous ne pouvons pas nous contenter de lui faire la leçon en lui demandant de ne pas recommencer. Et d’ailleurs quelles punitions pourrions-nous lui donner pour étayer notre propos. Il se moque de nos remontrances puisqu’elles ne se traduisent par aucun ennui pour lui. Des mots, voilà des mots c’est tout.
La situation a changé avec l’arrivée de notre ami qui a redonné confiance à maman. Nous avons la main et il est venu à notre rendez-vous, même s’il continue ses intimidations et sa pression. C’est donc bien le moment pour nous de passer à la vitesse supérieure ou plutôt au changement de comportement. Nous sommes ses ennemis, mais lui n’en a pas. Nous allons le devenir en lui montrant notre hostilité, que nous n’inventons pas car il a passé des années à la faire naitre, à la modeler et l’agrandir. Maintenant que nous avons les yeux ouverts, la réalité nous saute aux yeux et apparait en plein jour. Et c’est un désastre que nous contemplons. Cet homme nous a fait du mal, sciemment, continûment, vicieusement. Nous étions balladés sur la frontière entre la presque légitimité et l’abus de pouvoir. Nous étions ballotés et nous nous balancions dans la douloureuse incertitude de l’inaction et de la victimisation,
-Oui, je sens qu’il va se passer des choses terribles, prononce Vienna. A la fois je les redoute et je les souhaite. Nous avons quand même vécu ou survécu jusque-là. Je voudrais éviter que nous plongions dans un abime de douleur et d’incompréhension. Mais concrètement que pouvons-nous faire et quelle réponse allons-nous lui donner,
-Mais nous pouvons faire, ce n’est pas un problème, explique Bulan. Nous savons qu’à minima nous pouvons lui tenir un discours ferme en le menaçant. Certes ce ne sont que des mots mais nous sommes bien remontés quand même. Ensuite est-ce que notre animosité est suffisante pour que nous mettions une certaine violence dans notre réponse. Violence physique je veux dire afin qu’il sente le poids dont nous voulons le charger et qui doit l’empêcher de bouger. Concrètement je propose ce diptyque. D’une part le volet des mots et d’autre part le volet de l’action,
-C’est correct, conclut Sazak et il me semble que le volet action va beaucoup dépendre de l’état d’esprit dans lequel nous allons le retrouver tout à l’heure,
Michel Costadau
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