Avant, il était possible de labourer un champ à l’automne et puis au printemps suivant de semer directement un tournesol sans autres préparations. Le gel avait fait son œuvre d’émiettement et l’on disait alors que l’on semait dans du sable et pourtant nous avons des terres fortes argilo calcaires. Il s’agissait évidemment d’agriculture chimique de façon à ce que le labour reste propre.
Car en bio le plus souvent les herbes ont envahi le labour. Néanmoins l’effet bénéfique du gel sur la terre n’est plus à démontrer.
Et l’effet bénéfique de la sécheresse non plus. Seulement la sécheresse ça débute au printemps et finit en automne pendant la période où les cultures ont justement besoin d’eau. Cela explique les pompages dans les lacs et les rivières et l’idée de faire des réserves artificielles. Cependant la loi européenne interdit de barrer les cours d’eaux afin de préserver la vie aquatique et les zones humides. Elle autorise les retenues dérivées, c’est-à-dire pas dans le lit principal, mais à coté.
Alors, pour contourner la loi certains se sont crus malins, avec l’appui scandaleux des pouvoirs publics, en pompant directement dans les nappes phréatiques. Combien de temps mettra l’Europe pour interdire cette pratique, Surement longtemps vu les freins que va mettre la France. Mais le scandale est dans l’air et la bagarre continue. Pomper dans les nappes c’est assécher tout un territoire sans que ça se voie. Les nappes ne sont pas des lacs souterrains immobiles mais coulent comme les rivières et alimentent les cours d’eau en aval.
Une fois de plus la recherche agronomique est au service de la chimie et non des solutions durables. Car les techniques pour se passer d’eau existent. Bien sûr elles ont, pour le moment, un peu moins de rendement que les cultures azotées et demandent un peu plus de façons culturales. Mais un effort de recherche et de sélection conséquent peut rendre ces procédés rentables. Cette déficience de la recherche est une des grandes plaies du monde agricole. Et l’on retombe sur la situation classique d’entreprises dont le business est la chimie et qui cherchent par tous les moyens à conserver leur emprise sur la profession. Les recherches disons alternatives se heurtent indirectement au mur de l’argent à cause de la durée des expérimentations.
En effet, dans nos contrées, il est difficile de faire plus qu’un essai par an. Ce que j’appelle un essai consiste à choisir une semence, un champ, une date de semis et un protocole de soins à la culture. On peut multiplier les types d’essais mais on obtient malgré tout qu’un résultat par essai et par an. D’ailleurs c’est un problème majeur pour les paysans d’assimiler que l’on a droit qu’à 30 essais dans toute sa vie. Pourquoi ?
En fait prendre les rênes d’une ferme, c’est-à-dire être responsable de l’assolement, se passe rarement avant l’âge de 25 ans et dès l’âge de 50 ans on commence à rechercher la suite. C’est pour cela que ceux qui sont nés à la ferme ont l’avantage considérable d’avoir un retour des expérimentations de la génération précédente. Certes c’est un apprentissage un peu indirect puisque c’est un ancien qui a la décision, mais le jeune en entend parler tout les jours et ça forme,
Bien sûr les neo-ruraux apportent des idées, mais manquent cruellement d’expérience. Dans les années 60 le retour des pieds noirs en France a énormément boosté des pratiques agricoles un peu vieillottes du sud. Ils ont développé la vigne, l’arboriculture et diminué les vaches qu’ils ne connaissaient pas bien. Mais cultiver ils savaient faire et se servir de machines aussi. Plus récemment, les techniques sans labour ou les semis directs, apportés par les bio, ont enrichi la panoplie culturale.
Cependant, je l’ai déjà dit le paysan est conservateur beaucoup plus qu’innovant.
Même si c’est moins vrai aujourd’hui, il y a un risque vital dans son activité. Un semis raté, un champignon qui attaque la récolte ou un insecte ravageur et c’est la misère qui se pointe. Sans tomber dans le pathos inutile il y avait chez nous et il y a encore ailleurs de l’angoisse dans la vie du cultivateur.
On peut toucher cette angoisse du doigt en comprenant le dilemme que se pose le chef de famille quand il est obligé, en hiver, de prendre des grains réservés pour la future récolte, à seule fin de nourrir sa famille.
Michel Costadau
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