On en parle tout le temps, on la défend ou la discrédite, c’est à la mode en tous cas. Oui mais l’agriculture paysanne, ça veut dire quoi en fait, ça recouvre quoi au final. Alors on va réfléchir un max et essayer d’y voir plus clair.
Pour commencer, on peut regarder ce qui n’est assurément pas de l’agriculture paysanne. Son contraire, pour ainsi dire, c’est l’agriculture productiviste. Là on voit mieux, c’est ceux qui ont des gros rendements, qui empilent les animaux dans d’immenses hangars, qui font des kilomètres carrés de serres, qui vident les nappes phréatique pour arroser le maïs et qui viennent régulièrement visiter les rayons des grandes surfaces ou arroser de purin la sous-préfecture locale. Productiviste est assez bien choisi parce qu’ils produisent en quantité. Mais il manque un élément caractéristique, c’est qu’ils ne connaissent pas le client final, celui qui consomme leur produit direct ou transformé. Du coup il y a des intermédiaires, voire même beaucoup. On voit là se dégager une composante de l’agriculture paysanne : c’est, pour faire simple, la vente directe. D’un seul coup on se rend compte, d’ailleurs, que ça a toujours été ça le métier des paysans. Vendre ses produits à des voisins, sur des marchés, à des meuniers. Bien sûr il y a toujours eu des ventes à des négociants, mais ça n’est pas ça qui faisait le revenu. Des anciens me racontaient que, même au temps du métayage, où le propriétaire prenait la moitié de la récolte, et bien on arrivait à en planquer un peu et ça permettait de vivre. Si nous revenons aux productivistes, il y a une autre chose qu’ils ne maitrisent pas, bien qu’ils en soient de gros consommateurs, c’est ce qu’on appelle les intrants : engrais, produits phytosanitaires, semences, de même que le matériel agricole. Est-ce qu’il y a moyen de faire autrement ?Oui largement, car même sans être en bio, on peut avoir des animaux et mettre le fumier dans les champs plutôt qu’au méthaniseur, on peut aussi faire ce qu’on appelle des couverts végétaux qui sont des engrais verts, des rotations avec des légumineuses ou des protéagineux de façon à nourrir le sol avec des produits que l’on maitrise. Voilà donc notre contour qui se précise un peu. Un agriculteur qui commercialise directement tout ou partie de ses produits, qui a des contacts avec ses clients, qui fait des rotations dans ses cultures, qui ne prend pas les animaux pour du matériel, je crois qu’il commence à faire de l’agriculture paysanne. Vous allez me dire qu’il fait de bons produits aussi. Ben ce n’est pas aussi simple, car s’il est vrai que le productiviste ne fait pas de bons produits mais seulement des produits calibrés, agriculture paysanne ne veut pas forcément dire bon et il ne faut pas oublier qu’il y a des bios productivistes. En fait, il y a toute une gamme de pratiques plus ou moins vertueuses, agriculture de conservation, agriculture raisonnée, agro-écologie, agroforesterie, bio ou biodynamie, mais aucune ne peut se targuer du monopole du goût ou de la qualité.
Donc si vraiment vous voulez, des produits de goût supérieur, le plus simple c’est de les produire vous-même au jardin. Parce qu’en fait l’agriculture paysanne c’est comme ça que ça a commencé.
Michel Costadau
Comments are closed.