Je reviens un peu sur le vote blanc. Pour le moment, et on ne sait pas jusqu’à quand, le vote blanc n’est pas compté dans les suffrages exprimés. Bien qu’il ne change en rien le résultat du scrutin, c’est quand même un vote. Pour donner une image, le vote blanc a le même impact qu’une pétition. Alors que le non-vote est clairement une grève du vote. La différence entre pétition et grève est assez simple. Tant que le dialogue est possible, une pétition a toute son utilité pour faire avancer la discussion. Mais quand l’interlocuteur devient sourd et qu’il ignore totalement les demandes qui lui sont faites, alors il faut passer à la grève, c’est-à-dire à la rupture du faux rapport qui s’est installé.
Les politiques ont, depuis 50 ans, institué un faux rapport avec la population, en bafouant toutes les demandes des électeurs, pour les réduire au seul rôle de leur permettre l’accès au pouvoir par le vote. Pour dénoncer ce faux rapport qui permet aux politiques de faire seulement des promesses, je ne crois pas qu’une pétition soit suffisante.
Bien sûr, si le vote blanc était un suffrage exprimé, ça aurait une autre portée puisque ça voudrait dire que les électeurs ne veulent aucun des candidats en lice.
Mais encore faudrait-il obtenir que le vote blanc ait une efficacité pratique, avec, par exemple un seuil maximum de blancs pour que l’élection soit valide. Ainsi, si le vote blanc est le score le plus important, personne n’est élu. Il faut alors recommencer l’élection, avec de nouveaux candidats si possible. Bon il y a encore du chemin pour en arriver là.
J’insiste, mais d’une certaine manière le vote blanc est une attitude polie et masquée d’exprimer son opinion. Polie parce que ça ne gêne personne et masquée parce qu’évidemment personne ne peut savoir qui a voté blanc. Le non-vote est beaucoup plus courageux, puisqu’il est facile d’avoir la liste des abstentions. C’est aussi plus clair, puisque ça indique non seulement qu’aucun candidat ne vaut le coup, mais aussi que le système électoral lui-même ne vaut rien.
Vous allez me dire qu’il y a toujours eu pas mal de gens qui n’ont jamais voté et qui se fichent complètement des élections. On leur a même donné un archétype genre pêcheur à la ligne. Ils se sont trouvés affublés du qualificatif de mauvais citoyens qui ne font pas leur devoir électoral. Oups. Vous vous doutez bien que le devoir électoral est quelque chose qui me hérisse, exactement comme le devoir conjugal, car c’est macho, moralisateur et faux. En fait, cette dévalorisation des abstentionnistes est, tout simplement, un des moyens que le système entretient pour garder son volant d’électeurs. Car, sans électeurs, le système tombe par terre et c’est exactement ce que je souhaite.
Vous savez sûrement qu’il y a toute une variété de systèmes électoraux, mais clairement le système français est bâti sur le concept du scrutin majoritaire à deux tours. Le but du système français, qui est du coup son principal travers, est l’élimination de tous les « petits candidats » en faveur des deux partis qui se partagent tranquillement le pouvoir. C’est brutal à la présidentielle, avec, quels que soient leurs scores au premier tour, la qualification des deux premiers. C’est plus pervers dans d’autres élections, avec la fixation d’un seuil permettant l’accès au second tour. Ce seuil, actuellement de 12 % des suffrages exprimés, est une machine infernale pour permettre aux deux « grands partis » de continuer leur razzia.
Je ne pense pas que le vote blanc oblige les politiques à faire la moindre réforme pour améliorer cela. Je crois plutôt qu’il faut assécher la source de leur pouvoir, qui est ce petit bulletin que nous glissons dans l’urne.
Michel Costadau
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