Aujourd’hui l’événement que je retiens c’est Gao. Alors essayons de remonter la piste, s’il y en a une. L’évènement d’avant, c’est Hollande allant recevoir des lauriers à Bamako pour son action de défense des régimes africains. Celui juste avant, c’est la première page du journal Le Monde expliquant comment la France tue sur ordre les cibles humaines qu’elle désigne. C’est-à-dire celles que Hollande désigne. Un peu avant encore, ces assassinats ciblés viennent en réponse à la tuerie de Charlie hebdo, ainsi qu’à celles qui ont suivi. Et ces tueries viennent en ligne droite de la première action de Hollande président : une campagne militaire antiterroriste, soit disant victorieuse, au Mali et justement à Gao. La poussière du désert est retombée en pluie acide.
Voilà on a tiré la pelote et la boucle est bouclée. Sans jeu de mots, la boucle c’est celle de la corde que nous avons au cou et avec laquelle nous sommes en train de nous pendre.
De tous les maux de notre république, un des plus catastrophique est certainement celui du pouvoir discrétionnaire de notre président. Mais bon sang qui a eu l’idée que chez nous le président décide seul de la guerre et de la paix. C’est une épouvantable régression. C’est la négation d’un siècle de conquête démocratique ou tout au moins de réflexion démocratique.
Bien sûr, Hollande n’était pas obligé de faire ça le premier jour de son mandat. Clairement il en porte seul, pour une fois, la responsabilité. Mais nos institutions le permettent et beaucoup s’en sont félicité. Qui plus est, cet acte est clairement la marque des débutants, comme pour ses prédécesseurs et sûrement ses successeurs. Comme moi, vous avez noté que tous les nouveaux élus font une grosse bêtise au lendemain de leur élection. C’est Chirac qui demande un nouvel essai nucléaire, inutile en plus. C’est Sarkozy qui lance le programme de l’identité nationale, non suivi d’effet d’ailleurs, et c’est Hollande qui monte une expédition militaire, inutile en plus.
Comment, après deux siècles de massacres mondiaux de grande ampleur peut-on encore faire confiance à qui que ce soit pour être l’homme providentiel, l’homme éclairé, l’homme de la situation, celui qui va résoudre tous les problèmes et entre les mains duquel le peuple remet sa destinée. La lignée des prophètes, des sauveurs, du surhomme et du génie est une sombre mascarade depuis des milliers d’année. Nous avons appris, durement hélas, que seules les institutions par leur encadrement des actions individuelles sont porteuses d’un tout petit peu de modération et de réalisme. Oh elles n’empêchent pas tous les écarts, mais elles donnent un filet qui maintient les actions individuelles dans une certaine mesure.
Réfléchissez ! qui d’entre vous donnerait aujourd’hui les pleins pouvoir à Hollande s’il les demandait. Personne bien sûr. Eh bien pas de bol car il les a déjà. Alors pourquoi les demanderait-il ? Qu’avons-nous fait ? Qui nous a menti, trahit, égaré à ce point. Hélas, c’est nous même. Nous nous mentons en croyant qu’untel est meilleur candidat qu’un autre, nous nous trahissons en ne jurant que par un seul contre les autres. Nous nous égarons en opposant les candidats les uns aux autres. Notre seul rôle est de bâtir les institution qui nous protègent. Nous ne le faisons pas, alors ne cherchons pas plus loin. Pas besoin de jouer le match, nous l’avons déjà perdu.
Michel Costadau
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