Nous sentons bien que depuis quelque temps il se passe pas mal de choses dans le monde, mais je ne vois pas d’analyse globale, c’est-à-dire d’indications vers quoi ça va ces fameuses choses qui se passent. Les choses dont je parle c’est bien sûr Trump, Brexit, Syrie, Iran, Pétrole, etc. … et accessoirement Europe. Alors les analyses nous allons les faire en commençant par les constats les plus simples.
Première tendance : la fissuration des US. La mise en cause par les Etats de la politique fédérale de Trump, le questionnement sur le mode de scrutin avec des grands électeurs, la mentalité très libérale de la côte Ouest, montre non pas une volonté séparatiste, on n’en est pas encore là, mais à tout le moins une rupture du consensus Etats/pouvoir central. Si demain, par exemple, Trump voulait se lancer dans une guerre contre l’Iran il est probable que la cote Ouest ne voudrait pas y aller. Si de même un Etat votait une loi affaiblissant le pouvoir fédéral, il est probable que la cour suprême laisserait faire. En fait il se dessine trois zones aux US, la zone ouest libérale, mondialiste, presque laïque, la zone centrale religieuse, archaïque, conservatrice et la zone est riche, élitiste, guerrière. Et logiquement cette fissuration, à l’œuvre depuis longtemps en fait, mais révélée par l’élection de Trump conduit à l’affaiblissement du pouvoir des US. En d’autres termes, ce n’est pas Trump qui fait une nouvelle politique isolationniste, c’est la diminution du poids des US qui oblige son président à être protectionniste.
Deuxième tendance : la fin de l’Europe politique. Vous allez me dire que l’Europe politique n’a jamais existé, c’est assez vrai mais quand même l’UE a un siège à l’ONU et une ministre des Affaires étrangères. Elle est intervenue politiquement dans divers conflits en Europe, du Kosovo à l’Ukraine. La marque politique de l’Europe c’était les Droits de l’homme. Et surtout il y avait au début une volonté pour renforcer cet aspect politique avec plus de pouvoir pour une diplomatie européenne, une défense européenne, une justice européenne. Bon mais voilà, à cause de l’ouverture à de nouveaux pays sur de simples bases comptables, tout ça n’a jamais abouti et a été supplanté par une Europe purement économique. En fait, le Brexit n’est pas la cause de la disparition politique de l’Europe mais le résultat. Le départ des Britanniques et de leur empire veut dire que si l’Europe n’est que le marché commun alors autant se débrouiller seul, c’est-à-dire avec des accords bilatéraux. La perte de l’identité européenne des Droits de l’homme s’est faite avec les accords OMC, le TAFTA, la négociation avec des Etats voyous comme la Turquie ou Israël et aussi avec l’ouverture à l’Est. L’Europe s’est rabaissée au rang de simple vendeur de camelote sans plus aucune prétention politique. Les principales victimes de cet abandon politique sont toutes les velléités démocratiques dans le monde, y compris chez nous.
Troisième tendance : le rôle d’arbitre de la Russie. On voit mal Trump se posant en conciliateur dans les divers conflits mondiaux. Il a déjà perdu toute légitimité et autorité pour cela. Force est de constater que ce n’est pas le cas de la Russie qui ne fonctionne pas à coup d’anathèmes et d’exclusion. On peut dire que la tendance America first a été pratiquée par la Russie depuis 20 ans pour délimiter sa zone de puissance locale. Mais au-delà de cette zone, la Russie entretient de bons rapports avec tous les pays du monde sauf l’Europe. Mais, comme on vient de le voir, l’Europe n’a plus de puissance politique et cela donne à la Russie un nouvel espace. Paradoxalement, la Russie va remplacer l’Europe comme défenseur des Droits de l’homme. On voit déjà son rôle arbitral au Moyen Orient. On risque maintenant de le voir dans les tensions Chine-US ou Chine-Inde. De plus la Russie n’a pas dit son dernier mot en Europe. Elle commence, ainsi, à mettre en selle un nouveau modèle démocratique se démarquant du fonctionnement américain basé sur le contre-pouvoir de la presse et des avocats ou des pays européens aux institutions purement technocratiques.
Ce modèle donne un poids beaucoup plus fort aux besoins collectifs en contre-partie d’une extension de pouvoir dans la sphère personnelle. Pour le dire plus hot pas besoin de permis pour construire ta maison au bord de la mer, mais par contre rien n’arrête les bulldozers si on doit raser ta maison pour faire un hôpital ou une usine. Ce modèle, de nature indéniablement populiste, tend à combattre l’écueil de nos démocraties, à savoir l’impuissance des citoyens.
L’analyse n’est pas finie il y a, aussi, d’autres tendances à l’œuvre comme le simili-impérialisme chinois, mais on y reviendra une autre fois.
Michel Costadau
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