Ce n’est pas un billet très cool.
Cela dit n’allez pas me faire dire ce que je ne pense pas : bien sûr que toutes les droites sont dangereuses mais oui la droite catho est plus dangereuse que la droite frontiste ! Pour analyser cela il faut distinguer plusieurs plans. D’une part le programme, d’autre part la base électorale et enfin les réseaux.
Sur le programme, hélas, il n’y a pas grand-chose à dire. La droite catho a en partie copié le programme FN et pour le reste on brode des deux côtés avec des généralités sur le nationalisme, l’Histoire et les nécessaires efforts. Pas de quoi rêver. De toutes façons, vous le savez, les programmes sont faits, seulement, pour attraper des électeurs et en aucun cas pour être une feuille de route. Ils sont donc accrocheurs ou provocateurs à souhait mais ils ne veulent rien dire. C’est les soutiens auxquels on donne le pouvoir en choisissant un candidat qui comptent.
La base électorale est déjà plus parlante. L’électorat catho est basiquement bien pensant, avec des jeunes issus des mouvements de jeunesse d’origine paramilitaire ou d’associations semi-religieuses et des adultes bourgeois et conservateurs. Et même pour une bonne partie ultraconservateurs sous le couvert de Bayrou, Longuet ou Giscard. Evidemment la droite catho est située à droite de la droite républicaine mais entretient une inversion de positionnement en cherchant à être au centre. Pour y voir clair, il faut comprendre que le label « I » comme indépendant est celui de la droite catho. De plus, la droite catho a aussi son fond de petites gens en ascension sociale, ou ses pauvres si vous préférez. Ceux-là, souvent de milieu rural, votent à droite pour faire comme les gens biens, qui sont cependant ceux qui les exploitent.
L’électorat frontiste est beaucoup plus populaire et n’a pas de marqueur rassembleur comme la religion. Sa base électorale, à l’origine anciens combattants et pieds noirs a beaucoup changé depuis 30 ans, pour aller vers commerçants, fonctionnaires, employés, les petits en fait. La notion la plus partagée est le sentiment d’exclusion. Le parti leur tient lieu de communauté avec une forte sensibilité laïque. Et cette sensibilité laïque se mélange au sentiment de frustration pour donner une xénophobie objectivée. Objectivée ça veut dire que l’on rentre dans le domaine des « yaka ». Il faut bien comprendre que la xénophobie est pratiquée par toute la droite. Toute la droite est xénophobe mais avec divers habillages.
Cependant, contrairement aux cathos, les frontistes n’ont aucune manière de faire de la discrimination pratique, peu de chefs d’entreprise, peu de riches, ils prennent donc de plein fouet la casse sociale. Alors que les cathos sont en mesure de pratiquer l’apartheid dans le boulot, dans le quartier, dans les écoles ou dans les associations, ça s’appelle l’entre-soi. Et comme il leur est possible de mettre en œuvre leurs sentiments xénophobes ils ont donc moins besoin d’en parler et veulent, ainsi, qu’on les croie centristes.
Au contraire la base électorale frontiste n’a comme défouloir qu’un concept de lutte contre l’immigration et les religions, concept amoindri par le fait que beaucoup d’immigrés sont au FN. Notons encore que, là aussi, il y a une inversion qui qualifie la droite frontiste d’extrême-droite alors que c’est, justement, le positionnement des « Indépendants ».
En clair la base électorale de la droite catho, c’est le conservatisme, ceux qui pensent que leur religion est supérieure aux autres et que le colonialisme s’est arrêté trop tôt, bien sûr complété par le cortège de leurs pauvres.
Tout aussi clairement, la base électorale de la droite frontiste c’est les beaufs chasseurs ou autres paysans mais surtout le cortège des exclus, déçus du socialisme et de la mondialisation. Eux ils pensent peu, trouvant d’ailleurs que les autres pensent trop avec leurs finasseries technocratiques.
Si maintenant on regarde les réseaux, là ça devient vraiment révélateur.
Les réseaux de la droite catho vont de la paroisse, aux cercles des patrons en passant par l’aumônerie, les organes pour la jeunesse, le diocèse, l’école privée, le syndicalisme catho et tout le petit monde associatif de l’aide, du secours et de la distraction. C’est ce réseau qui a fait élire Fillon et qui gère dans la sphère médiatique les rumeurs depuis les millions que gagne un chômeur musulman bigame jusqu’aux mœurs des hommes politiques. Clairement c’est là ou est le danger. Car c’est à eux que vous donnez le pouvoir en votant.
La droite frontiste a aussi ses réseaux mais manque d’accès aux médias. Les cafés sont peut-être leur principal réseau avec les marchés, car ce sont des endroits ou les discussions peuvent prendre un caractère libéré. Bien sûr, certaines associations réactionnaires sur le mariage, l’avortement ou la justice sont au croisement catho/FN mais ne constituent que des réseaux faibles sans assise médiatique ou financière. Clairement les réseaux FN sont dans l’incapacité de mobiliser des foules, comme ç’a été le cas des réseaux cathos pour l’école privée ou pour Fillon.
C’est pour ça que je dis que la droite catho est beaucoup plus dangereuse que la droite frontiste.
Michel Costadau
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