C’est un billet important mais difficile à écrire. J’essaie de comprendre le rôle du Système Financier Mondial.
1- C’est quoi le SFM.
Oui je sais, j’invente un truc dont personne ne sait si ça existe vraiment mais dont tout le monde parle. C’est sûr que l’on a beaucoup mal à le décrire, mais il faut bien donner un nom aux choses. Pour voir ce que ça peut être il faut commencer par les fonds de placement ou d’investissement. Ils sont connus pour n’avoir qu’une seule stratégie, celle de la maximisation du profit et de l’argent qu’ils ont ou qu’on leur confie. Mais attention, ces placements représentent beaucoup plus que les budgets des Etats. Ce sont eux, les fonds, qui font la loi dans un grand nombre d’entreprise assurant ainsi la mainmise de la finance partout dans le monde. Le fait qu’ils soient nombreux ne veut pas dire qu’ils agissent tous de manière différente. Non, bien au contraire, ils agissent tous de la même manière. C’est pour ça qu’on peut parler de système. Cependant il n’y a personne qui dirige ce mouvement, c’est seulement un mode de fonctionnement. Et qui se développe encore. Il y a maintenant plusieurs millions de millionnaires en Chine. Et les millionnaires du monde entier agissent exactement de la même façon. A savoir que, quand on a de l’argent, on cherche à faire de l’argent avec l’argent. Quand on n’en a pas, eh bien on est obligé de travailler c’est simple.
Donc ils agissent tous de la même façon, à tel point que les entreprises qui veulent s’en protéger n’ont qu’une solution c’est de ne pas être cotées en bourse afin d’avoir un actionnariat sous leur seul contrôle, ce qui peut hélas conduire à une grande opacité comme Lactalis ou Auchan. D’autres, comme Dell, sont amenés à racheter toutes leurs actions pour se soustraire aux fonds. De même vous avez bien suivi que l’un de ces fonds, actionnaire de Safran, était contre le rachat de Zodiac et s’employait à faire capoter cette décision. Ajoutons que certains fonds gèrent, à eux seuls, presque 10 fois le budget de la France. Ca commence à prendre tournure
On peut parler aussi des membres des conseils d’administration des 40 entreprises du CAC. Si l’on compte en moyenne 10 administrateurs par conseil ils devraient être 400. En fait ils sont une grosse centaine car chacun siège dans 3 ou 4 conseils. Globalement, cette imbrication assure le contrôle de la finance sur le business et cela va bien au-delà du CAC40.
Il convient aussi d’évoquer la porosité des frontières entre public et privé via les écoles et les administrations. Cette porosité est illustrée par l’entrée dans une banque d’affaires de l’ancien président de la Commission européenne ou par le pdg de BPCE ancien directeur de cabinet de Sarkozy. Cette porosité confirme s’il en était besoin le pouvoir de la finance dans notre pays.
2- Le SFM a largement conquis la gouvernance mondiale et contrôle assez correctement le fonctionnement des pays dits démocratiques.
Il est clair que le SFM fait à peu près ce qu’il veut sur notre planète, exploitation du sol et du sous-sol, productions délocalisées, argent stocké dans les paradis fiscaux, évitement des taxes et des impôts. Prenons quelques conséquences chez nous : le contournement des 35 heures qui n’ont, en fait, créé aucun emploi, les pressions sur les pouvoirs publics pour ne pas changer la réglementation des produits phytos, le détournement du CICE qui a surtout servi à augmenter le profit des entreprises au lieu de développer la recherche, le sabordage de l’Education Nationale au profit du confessionnel.
On constate même maintenant une communication directe des entreprises à leurs salariés, par exemple Labo Fabre ou Paprec, pour donner des consignes de vote. Le fait que ça ne vous choque plus indique bien que le SFM est en terrain conquis.
Bien, même s’il est certain qu’il faudrait développer plus encore cet état des lieux, et nous pouvons le faire quand vous voulez, il faut bien voir que ce ne sont pas les instances démocratiques que nous élisons qui contrôlent le SFM mais bien le contraire. Dans ces conditions, tous les gouvernements démocratiques sont au mieux les gestionnaires, plus ou moins bons, du développement du SFM comme en Europe et Amérique du Nord, ou au pire sous le contrôle direct des financiers et des banques comme en Afrique ou en Amérique centrale. Paradoxalement, les gouvernements non démocratiques ou les dictatures sont moins vulnérables au SFM puisqu’ils ne peuvent acheter que le clan au pouvoir et non pas corrompre l’intégralité de la classe politique qui en général n’existe pas.
3-Moyens d’actions du SFM.
Le SFM a conquis un pouvoir presque sans partage et il le garde, mais comment ça se passe ? Là nous sommes sur des aspects mieux connus. D’abord, bien sûr, les lobbies, les puissants lobbies. Ces groupes de pression, légaux en démocratie, permettent à la finance de contrôler et d’anticiper toutes les législations qu’elle jugerait défavorables. Les lobbies arrivent presque toujours à orienter les textes pour qu’ils aillent dans le sens qu’ils ont défini.
Ensuite le fonctionnement même des institutions nationales ou internationales de nos démocraties. Les institutions françaises, européennes, américaines ou même mondiales ont toutes un double mode de fonctionnement. D’une part une façade avec des élus et d’autre part des services, des commissions ou des administrations non élues qui proposent, définissent et portent les dossiers. Contrairement à ce que vous pourriez croire, ces services ne sont pas sous le contrôle de la façade élue mais bien au contraire livrés aux pressions de la finance, ce qui est le but. L’exemple européen est le plus symptomatique. La Commission européenne, organe strictement non élu « fait » la politique européenne : travailleurs détachés, PAC, règles de concurrence, privatisation des services publics et d’une manière générale libéralisation.
Les avancées du SFM peuvent aussi être appréhendées par quelques votes démocratiques récents. Par exemple le brexit. Ce vote permet au SFM de renégocier toutes les réglementations supranationales et il va réussir à sortir plus fort de cet épisode. Tout autant l’élection de Trump est porteuse de dérèglementation, en particulier dans le pillage de la planète. Le SFM espère de Trump une nouvelle libéralisation économique même au prix de la guerre et on en prend le chemin. Hélas dans ce domaine l’impuissance de l’ONU n’échappe à personne, on ne va pas y revenir.
Il y a bien sur aussi, l’argent lui-même. L’argent est un argument que comprend presque tout le monde et qui permet d’influer sur toutes les situations y compris sur la justice, le droit, les libertés. Or qui a l’argent, eh oui c’est, la finance, c’est le SFM. Par exemple l’argent permet de posséder les médias qui vont « former » l’opinion et par exemple parler de « enjeux » de la présidentielle. L’argent permet d’acheter l’avis des scientifiques. L’argent permet d’obtenir les autorisations souhaitées. L’argent permet de faire des procès ou des guerres aux résistants. Ce n’est pas nouveau mais ça marche. Et ça a pris des proportions….mondiales.
Cette situation dépasse complètement l’ancien clivage français gauche-droit de l’homme et droite -droit des entreprises. Il est remplacé par un positionnement par rapport au SFM : pour, avec ou contre.
4-Positionnement de nos candidats par rapport au SFM
Concrètement il y a ceux qui disent vouloir affronter le SFM, en général la gauche et dans notre cas Mélenchon, Hamon.
Ceux-là ne sont pas très honnêtes car ils font croire qu’on peut, aujourd’hui, lutter contre le SFM. Mais hélas ils n’en ont pas les moyens et même loin de là, en tous cas pas seuls. Il y en a, parmi eux, qui disent encore qu’il n’y a qu’à supprimer les patrons, alors que ça fait longtemps que les patrons ne possèdent plus leurs entreprises ni leurs salariés. Il n’y a que des actionnaires et des fonds de placements. En plus, c’est grave d’essayer de tromper les gens avec des promesses complètement illusoires du genre : nous pouvons stopper le pouvoir de la finance, nous allons réduire le chômage, nous allons restaurer les services publics. Je ne pense pas que beaucoup de gens y croient vraiment mais il vaudrait mieux être plus réaliste si on veut arriver à quelque chose.
Puis il y a ceux qui veulent pactiser avec le SFM, en général la droite et dans notre cas Fillon. Ceux-là sont un peu plus honnêtes, en reconnaissant que le SFM a le pouvoir, mais du coup ne peuvent convaincre que les riches et les possédants. Cependant, ils cultivent l’ambiguïté en essayant de faire croire que même les petites gens en étant obéissants et respectueux peuvent profiter du SFM. C’est-à-dire avoir de l’argent un jour. Ils ont aussi une approche dichotomique de l’ordre, à savoir : les contrôles de police en bas et la bienveillance des autorités en haut. Bien sûr il est grave de pactiser avec le SFM car c’est jouer avec le feu.
Puis il y a ceux qui sont directement les instruments du SFM, en général les ni-ni et dans notre cas Macron. Là ça devient catastrophique car c’est mettre la finance au pouvoir. Il est encore temps de s’apercevoir qu’un pays ne se dirige pas comme une entreprise, que le gouvernement n’est pas un conseil d’administration et que le parlement n’est pas l’assemblée générale des petits actionnaires dont on arrive toujours à faire ce que l’on veut. Une fois pour toutes une entreprise, même si on y discute beaucoup, n’est pas un modèle démocratique. Ceux-là sont clairement les fossoyeurs de toutes nos envies de développement d’une société apaisée et essayant de vivre ensemble. Il est d’ailleurs facile de constater qu’ils donnent l’impression d’avoir tous les médias pour eux. C’est simplement qu’ils sont exactement dans la même démarche que les médias qui, comme on l’a dit, appartiennent à la finance
Bien sûr il y a aussi des candidats qui ne veulent pas se positionner par rapport au SFM, en général les nationalistes, souverainistes et dans notre cas Le Pen. C’est intéressant et ça a l’avantage de ne pas être sur le même terrain que les autres, mais il faudra bien qu’ils s’y confrontent quand même.
5-Conclusion.
Que conclure de tout cela ? De toute façon ce n’est pas folichon. On l’a dit, tous nos gouvernements actuels comme ceux à venir ne représentent pas le pouvoir du peuple, mais sont ou seront de simples gestionnaires du SFM. L’avènement d’une nouvelle classe politique dans de nouvelles institutions avec un régime parlementaire, paraissent un point de passage obligé.
Cependant, comme je l’ai indiqué plus haut, aucun des prétendants actuels n’est en mesure de le faire et il semble que comme réaction à tous ces mensonges les électeurs se préparent à une cohabitation compliquée. Ce qui ne fera que retarder le retour à un régime parlementaire. Oui le SFM a de beaux jours devant lui. Cela n’encourage pas à voter et je crois que c’est la seule attitude raisonnable.
Michel Costadau
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