Longtemps, mais alors vraiment longtemps, c’est-à-dire depuis plus de trente ans, je me suis demandé comment à la fin de la guerre les Français avaient pu passer en quelques mois de collabos à résistants. C’était pour moi un total mystère.
On avait deux époques tranchées au couteau. La période pendant, où Pétain n’avait que des soutiens et était accueilli partout en France à bras ouverts. Et puis on avait la période après, où il n’y avait que des résistants et où personne n’était encore ou même n’avait jamais été pour le régime de Vichy. Le problème, c’est que ces deux périodes n’avaient pas vingt ans d’écart mais s’enchaînaient directement l’une à l’autre.
Cela me surprenait et je n’y comprenais rien.
Clairement, la France a fonctionné pendant plusieurs années avec un régime qui depuis a été qualifié de fasciste. Mais à cette époque-là c’était un régime normal, un régime normal d’occupation. Il y avait les services publics, l’école, les fêtes de village, les gendarmes, l’entretien des routes et mêmes des élections locales. Et donc des élus, mais aussi des préfets et des fonctionnaires. Le tout bien sûr sous domination militaire allemande, mais apparemment ça ne gênait pas grand monde. Certains se sont même bien enrichis. Et tout marchait très bien.
Tout aussi clairement, De Gaulle a été accueilli comme un libérateur et c’était à qui lui ferait le plus de courbettes. D’un seul coup le pays n’a compté que des résistants, intrépides, courageux, nombreux et déterminés. Bien sûr il a fallu trouver quelques brebis galeuses pour défouler la vindicte populaire, mais c’était vraiment l’exception pour confirmer la règle. Tous les collabos étaient devenus des résistants.
Pour ceux qui auraient le sentiment que j’exagère je crois, au contraire, que je suis en dessous de la vérité.
Alors, alors, alors j’ai enfin trouvé quel était le ferment de cette alchimie et ça s’appelle le syndrome du camp du vainqueur. En d’autres termes, la population, on dit aussi le peuple, n’a pas de valeurs, de croyances ni de moralité. Le peuple n’a pas le sens inné de ce qui est bon pour lui, le peuple n’a qu’un seul comportement : être toujours du coté des vainqueurs.
Et si nous revenons à la dernière guerre, les actions barbares de purification ethnique qui ont eut lieu, n’ont été possible qu’à cause du respect par la population du camp du vainqueur. Quand la victoire a changé de camp, le peuple a lui aussi changé de camp. C’est comme ça.
D’une manière plus large, voilà que ça explique aussi pourquoi il y a eu beaucoup et il y a encore des guerres, eh oui les guerres ça sert à ce qu’il y ait un vainqueur. Et le vainqueur par un coup de baguette magique obtient l’adoration des vaincus et leur servitude. Nos peuples sont des peuples de vaincus qui encensent leurs vainqueurs. En plus, le peuple, mais je préfère quand même dire la population, n’est pas fidèle et même plutôt versatile. Dès que le vent tourne, la population aussi.
Nous avons la même situation avec notre pauvre élection présidentielle. La population était prête à infliger une déculottée à Hollande et, magiquement, elle encense son successeur. Cherchez l’erreur. Pourquoi ? parce que ce successeur a été désigné dès le début comme le gagnant. C’est exactement le syndrome du camp du vainqueur. Et on entend déjà la même musique pour les législatives alors qu’il est, encore, impossible de prévoir combien il y aura de triangulaires voire de quadrangulaires et ce qui en sortira.
Je n’ai pas encore réfléchi à comment contrecarrer ou au moins commencer à lutter contre ce syndrome, mais ce qui est sûr c’est qu’il y a du boulot.
A vrai dire j’ai déjà commencé à résister, oui, et c’est en n’ayant pas la télé et tout ce qui va avec, car elle ne vante que les mérites du vainqueur. Cela je l’ai toujours senti mais je ne savais pas que c’était une question de survie. Oui parce que le syndrome du vainqueur ne demande pas obligatoirement une guerre. De nos jours, il suffit que le vainqueur soit construit, introduit, validé puis intronisé par les médias. Les médias sont l’arme moderne, plus besoin de chars, les infos suffisent et rendent les élections caduques car le peuple choisira toujours le vainqueur et pas son propre bien. Même si le vainqueur est complètement fabriqué artificiellement, le peuple le choisira, il a toujours fait comme ça.
Mais une autre réflexion doit aussi être menée : notre régime actuel a-t-il des comportements barbares comparables à ceux de Vichy ? Et la réponses est oui. Les massacres de migrants, les guerres pétrolières, l’exploitation des enfants, les produits frelatés sont notre quotidien. Nous sommes bel et bien au courant, mais c’est la politique que pratique le vainqueur, car aujourd’hui le vainqueur est mondial alors nous ne disons rien, nous ne faisons rien. Et le vainqueur continue ses actions barbares parce que comme toujours nous respectons le vainqueur. Et tristement nous attendons le prochain. Anne ma sœur Anne ne vois tu rien venir ?
Michel Costadau
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