Y a une espèce de malaise qui est en train de s’étendre dans la sphère politique, pas exactement un malaise mais comme une image qui devient de plus en plus floue, au point de se demander si ce n’est pas, tout simplement, un défaut de vision. Ce malaise vient de la perte d’un repère basique à savoir celui de majorité. Qui vient lui-même d’un vice de forme de notre régime, qui est l’inversion électorale entre législative et présidentielle. Pour le moment, notre président est élu dans le vide c’est-à-dire sans le moindre moyen d’appliquer un quelconque programme. Tant que l’élu était membre d’un parti et plus ou moins choisi par lui, on pouvait dire qu’il avait une majorité implicite, à concrétiser quand même, mais cernable. Mais quand l’élu est réellement un électron libre, seulement entouré de son conseil d’administration, alors ça devient pitoyable parce que vu qu’il est à poil, la course pour trouver un pantalon ressemble à un vide grenier dans lequel tout le monde met ce qu’il a de plus moche dans la rue, pour être offert au public.
Et ce malaise atteint d’abord les candidats qui ne savent pas trop s’ils font partie, sans jeu de mots, de leur parti ou du président. C’est angoissant. Les seuls qui sont à l’aise dans leurs baskets sont ceux de Mélenchon et de Le Pen. Pour eux c’est clair, il y a adéquation entre le candidat à la présidence et le candidat à la députation. Pour les autres, bien que je sois sûr qu’ils ne m’écouteront pas, je leur donnerai le conseil de passer à l’acte c’est-à-dire de se regrouper dans le PS/LR dont je parle depuis longtemps.
Ce malaise atteint aussi les électeurs, parce que donner une majorité à un président ne veut pas dire grand-chose, à supposer, bien sûr que nous soyons en démocratie. En fait, seul le fait de donner une majorité à des partis a un sens, puisque le moteur de la politique est encore et toujours le programme et c’est le vrai visage de la démocratie. Effectivement, après la déferlante présidentielle, les candidats députés sont en gros des inconnus et seul le programme qu’ils défendent devrait être pris en compte. Or donc les électeurs ne savent pas ce qu’ils doivent voter, puisqu’en théorie on vote pour ses idées, en général défendues par un parti. Mais quand on ne sait pas quel parti combattra ou soutiendra le président, ça devient difficile. C’est même cornélien, je t’aime donc je ne vote pas pour toi. A nouveau, seuls Mélenchon et Le Pen ne déboussolent pas leurs électeurs, ce qui est cependant une bien maigre consolation.
Et ce malaise atteint aussi les politologues qui sont chargés de transmettre aux médias les messages des élus, ou plutôt des dirigeants, c’est plus clair. D’abord les politologues sont laminés par le rouleau compresseur médiatique, exclusivement au service du président, qui est l’élu au sens miss-France du terme. Ensuite les transmetteurs de pensées voudraient bien vanter un renouveau de la vie politique, mais force leur est de constater que ce sont encore et toujours les mêmes, un peu comme un tiercé mais dans le désordre cette fois, ce qui évidemment ne change pas grand-chose. Bien sûr ils n’osent pas dire la réalité, qui est que les électeurs sont pris en otage par la présidentielle, et qu’ils sont victimes d’un chantage à la majorité. Car c’est vrai que le besoin de majorité a été rentré en force dans les gènes des électeurs. Alors que la démocratie c’est le contraire, c’est l’exercice de la pluralité. Mais les politiques tiennent seulement à leur pouvoir.
Alors on a déjà eu le hold-up médiatique de la campagne présidentielle, puis le chantage à Le Pen pour le second tour et maintenant on a le chantage à la majorité pour les législatives. Ce n’est plus un président que nous avons, c’est un chef de gang.
Pourtant la réalité est claire et précise : les électeurs se sont répartis en quatre courants qui font chacun à peu près 20%. Nous devrions donc avoir un parlement réparti en 4 parts. C’est alors seulement que peut commencer le travail de discussion, d’échange, d’argumentation, de recherche de meilleure solution, qui permet à chacun d’apporter sa contribution à l’édifice commun.
Et de revenir à la démocratie. Mais le chemin est encore long, surtout quand on n’est pas sur la bonne route.
Michel Costadau
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