Maintenant que la séquence électorale est terminée essayons de comprendre les résultats. Nous avons un nouveau président. Ça ce n’est pas une surprise puisque l’ancien ne se représentait pas. Ce que l’on a commencé à découvrir pendant la campagne, c’est que son réseau ne voulait pas fonctionner avec les anciens partis. Du coup il en a créé un nouveau tout en débauchant diverses personnalités has been.
Alors est-ce que ce nouveau parti est un hybride des deux anciens partis de gouvernement, avec vocation de les remplacer. Réponse : non pas du tout. Bon mais alors c’est quoi ce nouveau parti ? Réponse : c’est le parti de la classe moyenne. D’habitude la classe moyenne est partagée entre plusieurs opinions, bobos, cadres, jeunes diplômés, intellectuels et est l’objet d’une chasse de la part de tous les partis. Mais là, il y a eu cristallisation. C’est la génération d’après 68 qui se retrouve en pleine activité et que le système a fait prendre en mayonnaise. Et c’est le paradoxe de cette élection qu’après une campagne où tout le monde était soi-disant antisystème, on se retrouve avec une assemblée et un gouvernement entièrement système. C’est la stratégie de la fuite en avant. La croissance du PIB pour sauver la planète. C’est franchement triste.
Mais comment cette cristallisation a-t-elle eu lieu ? Comme ingrédient nous avons d’abord une très forte propension de l’électorat à vouloir se débarrasser de la classe politique obsolète que nous avons. Cette faim de renouvellement a d’ailleurs conduit à des primaires désastreuses et à la déroute des candidats primés : Mélenchon + Le Pen + Macron font 2,5 fois Fillon + Hamon. C’est sur la base de ces primaires ratées que le nouveau parti s’est installé.
Nous avons ensuite une mainmise totale de la finance sur les médias, ce qui permet à ses possesseurs de façonner l’opinion. Macron et le nouveau parti ont été littéralement portés par les médias de bout en bout : aucune critique, valorisation de toutes les différences, jamais d’affirmations péremptoires, interviews positivées, shows millimétrés.
Enfin, nous avons un système électoral, strictement non proportionnel, qui fait le jeu des minorités afin de prendre le pouvoir. Cette minorité, de l’ordre de 19 % à la présidentielle et de 12 % aux législatives, permet avec les institutions de notre république de prendre le pouvoir par élimination. Ce n’est pas démocratique mais c’est légal. Vous en voulez encore ?
Mais alors qui sont ces fauteurs de trouble qui ont voté Macron deux fois ? Car ce sont exactement les mêmes qui ont fait le président et les députés. Ca vaut le coup de regarder qui sont ces héros. Le plus fort contingent est constitué par ceux que j’avais désignés comme les souliers pointus. Ce sont ceux qui mangent au restaurant ou à la cantine à midi, car ils ne savent pas ce que c’est que d’amener sa gamelle ; ils mènent une vie de couple avec deux salaires, SUV, deux enfants scolarisés, sport collectif pour les garçons, gym pour les filles. La majorité travaille dans des bureaux plus ou moins climatisés, soit en grande entreprise soit en libéral. Ce sont eux, aussi, qui voyagent en avion, mais ne payent pas leur billet puisque aux frais de l’entreprise. Fondamentalement, ils font l’audience des émissions de télé et sont du coup complètement imbibés par les médias et sans défenses, mélangeant volontiers pub et infos. C’est dans cette sphère qu’ont été recrutés les députés et les ministres. A ceux-là s’ajoutent des transfuges déçus par la droite et la gauche, ainsi que certains socialistes à qui on a fait croire que Macron était de gauche.
Mais tout le monde n’a pas voté Macron, loin de là.
En schématisant rapidement on peut dire que ceux qui ont voté Le Pen sont les déclassés du système, ils n’y croient plus. Ceux qui ont voté Mélenchon sont les intellectuels, ils macèrent dans leur impuissance. Ceux qui ont voté Fillon sont les vrais riches, ou qui croient l’être trop. Et ceux qui ont voté Hamon sont les fossiles passéistes qui se sont arrêtés en 36.
Bon, au résultat, les arrivistes sont aux manettes. Est-ce que c’est une bonne chose ? Eh bien pas du tout parce que nous sommes à contre-courant de l’évolution des autres pays. La prise de conscience de la mondialisation amène, partout dans le monde, les peuples à enclencher un mécanisme d’autodéfense, de retour sur soi. Il faut reprendre la main pour continuer à exister face au raz-de-marée de l’économie globale. Du coup, beaucoup de pays essayent de s’intéresser à leurs citoyens avec une dynamique nationaliste et une recherche démocratique. Les US, la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne, l’Inde, les pays de l’Est, l’Italie, et pas mal d’autres, veulent bien accompagner le système mais sans y perdre leur identité. En France nous venons de faire le choix inverse : tout pour l’économie, plus d’Europe, plus de multinationales, le pouvoir aux loups aux dents longues, le gouvernement des arrivistes. Une fois de plus après l’industrie, les services et les GAFAM, nous ne sommes pas dans le bon wagon. Nous avons choisi la facilité, celle qui consiste à aller dans le sens du business et de l’argent plutôt que de mener une véritable réflexion sur notre vie en société et son avenir.
D’une certaine manière nous avons voulu reproduire la séquence Trump. La finance qui va défendre les exclus du système. Mais au lieu de donner le pouvoir aux nationalistes ou aux démocrates, nous l’avons donné aux fonds de placement, aux start-up et aux technocrates. Il n’est pas sûr qu’ils veuillent nous le rendre. Je crois bien qu’il faudra le leur reprendre.
Population
Electeurs : 47 millions.
Présidentielle
Macron : 8 millions de voix,
Le Pen : 7 millions,
Mélenchon : 7 millions,
Fillon : 7 millions,
Hamon : 2 millions.
Législatives
EM : 6 millions de voix,
LR : 6,5 millions,
FN : 3 millions,
Mélenchon : 2,5 millions,
PS : 1,5 million.
Michel Costadau
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