Ce n’est pas de solidarité individuelle qui, avant, s’appelait charité dont je parle. Celle là regarde chacun personnellement et répond plus à des sentiments qu’à des objectifs. Je parle de solidarité collective, celle qui se lit dans les lois, dans les institutions, dans le fonctionnement de la société. Une société c’est simplement la manière qu’a de se comporter un groupe d’humains. Des comportements différents correspondent à de sociétés différentes. Ceci, à grands traits, parce que nos pays sont trop grands et se prêteraient mieux à plusieurs sociétés. Ce qui est pour ainsi dire le cas dans la réalité. Mais ça n’empêche pas les gouvernants de parler de « la » société.
Et pour le moment dans notre société, grande par la taille et non par la réussite, c’est le chacun pour soi qui tient la corde. Les mesures institutionnelles d’aide sont clairement associées à une notion d’échec. La société aide ceux qui ont raté, qui n’ont pas réussi à intégrer le groupe. Ce n’est pas la faute de la société c’est celle de tous ces individus qui trainent lamentablement leur misère. Et s’ils sont des millions ça ne change rien. Ils sont assimilés à un tiers monde intérieur. D’ailleurs la notion même d’aide est à sens unique, du plus vers le moins, créant ainsi une hiérarchie entre ceux qui aident et ceux qui ont besoin d’être aidé.
Et ceux qui aident, en fait, ils n’aident rien du tout, ils profitent purement et simplement. Et donc ils croient aider mais, en l’occurrence, ils s’achètent une bonne conscience et la religion n’est pas loin. Paradoxalement, cette aide confite est cependant très utile car elle fournit des forces aux associations qui, justement, remplacent l’aide institutionnelle absente. Les repas, vêtements, les appareils offerts par les associations comblent, parcimonieusement, le vide sidéral que crée l’absence de ressources d’une grande partie de la population.
Ah pour faire des gestes politiques dérisoires, fortement communiqués, nos gouvernants sont là, mais ces chèques de 100€ ne masquent pas leur échec.
Parce que dans une société où la seule manière d’avoir des ressources est le travail, essentiellement salarié, il est de la responsabilité et du devoir de cette société de fournir du travail à tout le monde. Mais la réalité est cruelle ; il n’y pas de travail pour tout le monde et même il ne faut pas qu’il y en ait. Concrètement il y a même de moins en moins de travail.
Cependant, pour le moment, l’idée d’une réforme des institutions pour y inscrire la solidarité n’est pas dans l’opinion. Le repli sur soi est à l’œuvre. Pourtant le hiatus est gigantesque entre les mots énonçant les droits de chaque individu et l’absence complète de moyens d’y parvenir. Heureusement, beaucoup de personnes sont dans des circuits sous-jacents plus ou moins larges d’entre-aide, bien loin de la loi. Famille, corporation, club, mafia règlent non seulement des questions de besoins matériels mais aussi les problèmes existentiels de non intégration dans la société. Ceci est notre principal moyen de défense et doit être préservé.
En y réfléchissant, la constitution n’a qu’un effet d’annonce. « Tous les hommes et les femmes … droits égaux ». Ca nous fait une belle jambe ce droit inaliénable et universel. A ce moment là je pense aux licenciés de Total, aux travailleurs non déclarés, aux femmes violées, aux expulsés pour Utilité Publique, oui ça leur fait une belle jambe de découvrir qu’ils sont égaux. Et plus encore, moi l’égal en droit du directeur de la Safer, moi l’égal en droit du préfet. Le préfet ne répond à aucune demande même écrite et m’empêche d’accéder aux documents administratifs dont j’ai besoin. Je n’appelle pas ça égalité, j’appelle ça pot de fer contre pot de terre. Et c’est toujours le même qui gagne.
L’égalité, fondement de la constitution est un gros leurre. Nous n’avons aucune chance. Pour moi droit ne rime ni avec égalité ni avec liberté mais avec avocat. En plus c’est une rime riche parce qu’il y a comme une odeur de picaillon qui flotte. Et là, il devient évident que quand on parle d’argent on ne parle plus d’égalité mais de pouvoir. Alors il ne nous reste que la rue, la com et quelques juges intègres non pas pour obtenir la moindre égalité mais simplement pour ne pas couler complètement.
Michel Costadau
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