Et donc les banques participent, et pas seulement le crédit agricole, à la croissance des gros et à l’élimination des petits. En plus les banques voient passer beaucoup d’argent, car il est clair que l’agriculture est une activité complètement subventionnée. L’aide la plus connue s’appelle la PAC. Sans les milliards de la PAC, les fameux agriculteurs français mettent la clef sous la porte demain matin.
Hélas cette aide favorise fortement les céréaliers, car leur chiffre d’affaire est directement lié à la surface, alors que les éleveurs comptent plutôt en nombre d’animaux et moins en hectares. Ils sont aidés au nombre d’animaux mais leur croissance est limitée par les bâtiments et la main d’œuvre. Les maraichers ont généralement des surfaces minimes. Les arboriculteurs sont certes concernés par les surfaces mais aussi par le nombre de plants.
C’est ce mécanisme pervers de la prime à la surface qui caractérise le modèle agricole français, avec quelques autres principes comme la liaison forte entre syndicalisme et ministère. Ce genre de collusion permet aux uns et aux autres d’en tirer un excellent parti. Le syndicat parce que sa proximité avec le ministère lui permet de faire savoir que des mesures favorables aux agriculteurs ont été obtenues par simple discussion et le ministère parce qu’il instille en toute tranquillité ses directives dans l’appareil même du syndicat.
Les bretons et leurs algues vertes ont bien mis en évidence que sans changement de ce modèle on ne résoudra pas le problème. En effet toutes les mesures prises depuis vingt ans pour réduire la pollution aux nitrates et aux pesticides n’ont eu comme effet que de les augmenter. Depuis longtemps le discours dominant est basé sur l’hypocrisie. Des phrases fortes mais des textes flous. Toute la profession manifeste un profond mépris pour les tentatives d’amélioration de la situation environnementale. Car l’agriculture est un énorme pollueur. Et profite du modèle pour continuer sans la moindre contrainte ou alors insignifiante.
Revenons au caractère répétitif de l’activité. C’est vrai pour la culture céréalière, c’est vrai aussi pour l’élevage, surtout l’élevage intensif. Là ce sont d’énormes machines pour traire une grande quantité à la fois ou d’immenses bâtiments pour l’engraissement. Il existe aussi de la traite automatique en continu avec un badge que porte chaque vache et qui donne accès à des distributeurs de bouchons d’aliments fort appétissants, en tous cas pour les ruminants.
Dans ce domaine l’idée générale du modèle est de transformer l’animal en un robot de production spécialisé entretenu par des composés déshydratés et des traitements médicaux fournis par l’industrie chimique. Et les champs en simples supports pour des productions végétales contrôlées par des produit chimiques alimentant directement la plante depuis la semence jusqu’aux grains récoltés. Il n’y a pas encore de cochons synthétiques mais ça pourrait arriver assez vite. Idem pour tous les produits végétaux et animaux. Si vous voulez une image, le paysan est celui qui nourrit surtout la terre pour qu’elle alimente la plante et l’agriculteur est celui qui nourrit directement la plante.
Il est bien loin le temps des paysans qui aimaient leurs terres et en connaissaient le moindre m². Même si cette image a été un peu mythifiée il est clair qu’elle a existé et tout aussi clair qu’elle a disparu. De nos jours l’agriculteur est le prototype du pollueur, mais paradoxalement bénéficie encore de ce label de protecteur de la nature alors qu’il en est le principal destructeur.
A preuve la transformation de produits agricoles en gaz pour les véhicules. Avec la bénédiction de la PAC, c’est-à-dire avec les primes correspondantes sur les surfaces, les agriculteurs transforment du maïs ou du colza en méthane dans de gros bidons de fermentation. C’était la problématique de la ferme dite des milles vaches. Le lait, la viande ou le lisier n’étaient alors qu’un sous-produit de la ferme. Il vaudrait mieux d’ailleurs l’appeler l’usine, car sa raison d’être était la production de méthane. Nous voilà donc avec des produits agricoles subventionnés mais n’amenant rien sur les marchés, sans que personne ne dise rien.
Michel Costadau
Comments are closed.