Les agriculteurs se moquent bien de la nourriture de la population, ils préfèrent s’occuper de leurs usines et l’amour de la terre ne se mesure plus qu’au rendement. C’est une notion très importante à assimiler que celle de l’hypocrisie du slogan « nourrir la planète » dont s’est emparée la profession. Au nom de cette phrase creuse tous les excès sont permis, tant en pollution qu’en accaparement. Il doit être clair pour tout le monde que personne n’a jamais demandé aux agriculteurs français de nourrir le monde entier. Nous sommes là en pleine crise globale, c’est-à-dire qu’au nom de la rentabilité, le système financier a privé certains pays de leurs propres ressources alimentaires au profit de monocultures à destination des pays riches.
Du coup à cause de la prédominance des céréaliers notre pays est excédentaire en blé et pour caser nos excédents nous exportons selon la loi du plus offrant. Ces pays spoliés deviennent donc importateurs de ce qu’ils produisaient auparavant en quantité suffisante pour eux.
Alors arrive le tour de passe-passe qui consiste à inverser la situation en disant que nous subvenons aux besoins des pays démunis alors que c’est nous qui en avons créé la pauvreté.
Toute proportion gardée c’est la même hypocrisie que le chômage, créé par l’industrie pour maintenir des salaires bas et abondé par les politiques pour se faire réélire avec l’argent de cette même industrie.
Dans ce domaine la mondialisation est loin d’être une conquête de la population mais, seulement, un moyen de développement par le commerce et l’industrie pour le commerce et l’industrie.
Nous avons un autre slogan tout aussi scandaleux utilisé par la profession c’est « la ferme France » comme si toutes les fermes étaient considérées comme de simples soldats de l’armée agricole. C’est beaucoup moins de la moitié des exploitations qui sont productivistes, la grande majorité étant de petites fermes familiales avec des élevages parfois assez réduits mais avec une qualité irremplaçable et le plus souvent une bonne rentabilité. Certes pour des gens qui dépensent peu.
En fait ce n’est pas tellement le manque de revenu qui dépeuple les campagnes mais surtout la nature du métier avec ses astreintes, la difficulté de se faire remplacer et une nécessaire culture paysanne de base qui ne s’apprend guère à l’école.
Comment se comporter là dedans quand on est une petite ferme. Disons d’abord qu’il faut de la passion. Cet enthousiasme est nécessaire pour supporter les vicissitudes du métier : poussière, chaleur, objets lourds et coupants, ratages à répétition, bruit, lourdeur sociétale locale.
Il faut aussi un mélange entre fermeture sur soi et ouverture aux autres. Clairement pour progresser il faut faire ses propres expériences, soit en assolement soit en amendements, soit en dates de semis, voire de récolte, en quantités ou en divers dosages. Il ne s’agit pas de se lancer dans des initiatives sur des coups de tête, mais d’essayer de tirer rigoureusement des enseignements des modifications que l’on apporte à ses manières culturales sur quelques années. En essayant de s’abstraire de l’aspect météorologique, pour se concentrer sur le sol qui lui n’est pas soumis à des variations rapides et brutales. Il est clair que l’épisode chaleur sécheresse de 2022 conduisant à une très mauvaise année, non seulement n’était pas prévisible mais seulement potentiel et aussi ne doit pas nous affoler bêtement mais donner lieu à réflexion.
Par contre il ne convient pas d’avoir des pratiques à l’opposé de ce que font tous vos voisins. De fait il y a un énorme aspect grégaire dans les pratiques agricoles. D’ailleurs faire exactement comme les autres est la meilleure manière de ne pas trop se tromper. Par contre l’apprentissage est alors faible à ce moment là puisque vous vous contenter d’imiter sans savoir pourquoi.
Comme par hasard des armées de techniciens sont là, gratuitement, pour vous aider à utiliser les bonnes technique et les produits autorisés, sauf en bio où c’est plutôt la misère avec peu de techniciens et peu d’expérimentation INRA ou autres.
Toujours dans l’hypocrisie, l’agriculture industrielle ne s’appelle pas « chimique » alors que c’est le cas, mais « conventionnelle » ce qui est évidemment beaucoup moins agressif pour la communication, mais cache mal le mal fait à la nature.
Michel Costadau
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