Car les agriculteurs n’aiment pas vraiment la nature et même, peut-être ils la haïssent complètement. Pour eux absence de pluie égal trahison, trop de pluie égal déluge inutile, sécheresse égal accident inacceptable, grêle égal état de catastrophe naturelle. C’est vrai que le mot « exploitation agricole » donne déjà une indication.
L’exploitation des ressources naturelles est maintenant dénoncée et donne lieu à des combats de plus en plus violents. Mais l’exploitation de la terre elle-même reste encore un sujet un peu voilé qui n’a pas encore vraiment éclaté. Et pourtant avec l’agriculture chimique il faut environ 80 ans pour rendre les champs non pas complètement stériles, mais manquants de vie biologique et de matière organique. Certes l’agriculture a façonné l’évolution de l’humanité entre autre en la sédentarisant mais plus récemment en une centaine d’années la société industrielle a profondément modifié le rapport à la terre. Terre nourricière à l’origine, la croute terrestre est devenue un outil de production et un objet de spéculation. Il est clair que cette déviation de « nourrir » à « exploiter » pose un sérieux problème de survie à l’humanité. Et fait éclater crument la crise des ressources que nous vivons actuellement.
Cet épuisement du sol a surtout lieu dans les pays industrialisés, Amérique du nord, Europe de l’ouest. Ces pays ont amené dès le début du XXème des quantités énormes d’engrais azotés et le rendement augmentait. Ensuite ils ont commencé à combattre la faune et la flore dite adventice à coups de substances hyper-toxiques, et le rendement augmentait. Mais à partir des années 70 les rendements n’augmentaient plus. Ils ont alors manipulé les semences pour les rendre insensibles à telle ou telle maladie et les rendements n’ont presque plus augmenté et même certaines années ils ont diminué.
Pour essayer de maintenir à tout prix des rendements élevés, l’agriculture industrielle s’est aussi attaquée à l’eau et est devenue de loin le premier consommateur mondial de cette ressource. C’est-à-dire qu’en plus d’être un pollueur l’agriculteur devient un prédateur. Et répétons-le à nouveau, seul un changement de modèle peut améliorer la situation.
Ces problèmes expliquent la ruée vers les terres encore riches d’Ukraine, de Roumanie. Il y a là une terre noire appelée par les Russes tchernozem. Pour des raisons de manque de moyens et aussi d’anti américanisme, les apports de produits chimiques ont été faibles pendant la période soviétique et n’ont pas détruit les écosystèmes locaux.
Bien sûr pendant le même temps, une autre agriculture est née : l’agriculture biologique. Mais l’état d’esprit des agriculteurs n’a pas beaucoup changé. En fait ce sont surtout les distributeurs, supermarchés ou chaines de magasins qui ont trouvé là une occasion d’augmenter leurs marges. En effet les clients ont acceptés de payer plus pour avoir cette absence de produits chimiques dans leurs denrées. Mais là aussi la situation a évolué. Aujourd’hui l’inflation et le climat de guerre rend les gens plus attentifs à leurs dépenses. On assiste une fois de plus à une discrimination par l’argent. Ceux qui en ont vont continuer à se nourrir bio et les autres vont retomber dans les produits chimiques.
Et le bio est lui aussi enclin à l’agrandissement des exploitations. Les fermes bio de plusieurs centaines d’hectares sont de plus en plus nombreuses. Clairement il semble bien que le bio soit en perte de vitesse, d’une part à cause d’une certaine réduction des dépenses, déjà évoquée, d’une partie de la population, mais aussi à cause d’une volonté politique de l’affaiblir en favorisant, grâce à la PAC, d’autres labels trompeurs comme le HVE. Ce mode de fonctionnement est révélateur de la manière dont procède le système. Il achète les agriculteurs avec la PAC, les salariés avec la paye, les actionnaires avec les dividendes, les riches avec les niches fiscales et les crises sanitaires avec des subventions. Cette vision mérite de nouveaux développements, plus tard.
Néanmoins le principal obstacle au développement du bio est l’absence de recherche agronomique dans ce domaine. Du coup les techniciens aidant les agriculteurs sont rares et apportent peu de solutions. Il faut comprendre que beaucoup plus d’efforts de recherche sont consacrés à modifier des oies pour leur donner naturellement la maladie du foie gras, ce qui va permettre de vendre du foie gras bio, qu’aux recherches sur les associations de plantes permettant un co-développement comme cela se trouve dans toutes le prairies naturelles.
Michel Costadau
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