Il y a quelques théories intéressantes qui circulent ces jours-ci. Certaines concernent l’avant, comme celle qui dit que la crise sanitaire n’est que la couverture d’une crise économique qui aurait de toute façon eu lieu et qui permet aux politiques de se dédouaner. Cette théorie est évidemment invérifiable mais est assez compatible avec la dimension suicidaire que j’ai évoquée. D’autres concernent l’après et il y en a au moins deux qui s’affrontent. A vrai dire les deux parlent de la refondation de l’ordre mondial mais l’une cherche à mettre en avant la solidarité comme moteur de nouveaux développements, et l’autre la flexibilité comme nouveau mode de fonctionnement du travail. Il faut attendre quelque temps pour voir les premiers signes. À vrai dire ce n’est pas le sujet. Pas encore.
Oui parce que depuis un moment de nouvelles images de l’être humain se présentent à nos yeux.
Avec le Sida on a eu l’incitation aux rapports protégés, on a ainsi commencé à mélanger la reproduction avec la maladie. Avec Ebola et les premiers SARS on a commencé à voir la désinfection des lieux et des personnes avec des pulvérisateurs contenant un produit à vaisselle et portés par des scaphandriers à l’air libre. Avec le virus nous avons encore les pulvérisateurs et les arroseuses mais aussi les lits médicalisés avec 10 personnes autour, toutes cagoulées comme dans les séries. Et en plus l’obligation de rester à distance les uns des autres ce qui est complètement nouveau.
Nous avons aussi vu une intensification de la vie numérique, casques sur les oreilles, téléphone avec ou sans images, enseignement, exercices avec leurs corrections, apéro skype, cinéma à la demande. Consultations médicales, certification bio, conseils juridiques, … à distance et manifestations virtuelles depuis son écran.
Il y a une espèce d’encapsulage de l’individu dans une bulle dont la seule fenêtre est un écran noir et une incitation continuelle à se méfier des autres, qui augure peut-être un sérieux affadissement des rapports humains.
Alors que jusqu’à présent la solitude était le pire ennemi de l’homme et que dès que l’on se retrouvait à plusieurs se dégageait un sentiment de bien-être, voire de fête, ainsi que la célébration de rites, il semble se dégager une nouvelle tendance à garder un maximum de distance. Voire à repousser les autres pour qu’ils ne pénètrent pas le périmètre sacré de l’individu, le domaine de la respiration privée. D’ailleurs les riches en €$ se sont isolés depuis longtemps dans des paradis privés. Cet écartement s’accompagnant aussi de phénomènes d’entassement dans les transports, dans les magasins, dans le travail où en vacances mais en s’ignorant complètement, chacun dans sa bulle. C’est comme si l’humain d’être social devenait un être asocial.
Je veux dire que c’est une tendance lourde, pas seulement à cause d’une épidémie. Est-ce dû au sentiment de notre trop grand nombre sur terre, où à une politique forcenée de destruction des organisations humaines pour faire de chaque individu un consommateur seul devant l’offre marchande ou même à une incapacité à communiquer suite à un nivellement de la vie personnelle par les médias, chacun sachant, pensant et aimant les même choses. Sauf, quand même, le petit nombre de ceux qui ont su rester, dans leur tête, indépendants du bourrage médiatique et qui sont encore capables de résister.
Heureusement il y a les jeunes. Ils sont évidemment dans l’impossibilité vitale de rester isolés puisqu’ils sont justement en train de se socialiser. Et ils le font même en cette période. A côté de chez nous il y a des petits rassemblements de jeunes qui font la fête en groupe et en musique.
C’est rassurant.
Michel Costadau
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