Quand j’entends Rajoy parler des Catalans, Trump des Mexicains, Merkel des immigrés, Macron des Palestiniens, et le Vatican des Syriens, j’aimerais, oui, j’aimerais beaucoup que ce soit parce qu’ils ont reçu des ordres, parce qu’ils obéissent, et que ce soit pour ça qu’ils tiennent de tels discours. C’est tellement insupportable ce mépris des politiques pour la population, qu’on préfèrerait que ce soit le complot d’un petit groupe tirant les ficelles du monde entier. D’une certaine manière, ça nous rassurerait de savoir qu’il y a quelque part un acteur puissant caché et que nos élus ne sont en fait que des exécutants.
Oui vous savez, une entité occulte avec des codes et des symboles, qui donnerait des ordres à tous les hommes et maintiendrait le désordre mondial à partir d’une petite sphère, voire d’une seule personne. Cette idée n’est pas jeune, elle a déjà eu de nombreux adeptes. Elle est même ancrée dans nos croyances, et il faut dire que l’histoire donne de nombreuses prises à cette théorie du complot. Cette théorie se décline, en fait, de beaucoup de manières : de la domination directe à la reconstruction du passé, en passant par toutes les étapes de la remise en cause de la réalité par les moyens les plus divers. Elle est même utilisée par de petits bandits pour se disculper et faire croire qu’il ne s’agit que d’une cabale à leur égard. Il faut dire que la réalité n’est elle-même pas si facile que ça à saisir, parce qu’un même évènement auquel assistent des milliers de personnes, donne immédiatement lieu à des dizaines d’interprétations. Comme si la population n’avait pas tellement envie de voir une et une seule réalité. D’où le succès des faussaires laissant entrevoir la présence de forces inconnues qui agissent cachées mais ont des influences partout.
Seulement hélas, trois fois hélas, cette théorie n’existe pas. Il n’y a pas, sur terre, le petit groupe des initiés qui tire toutes les ficelles. Il n’y a pas la puissance invisible qui donne les ordres et châtie les réfractaires. Il n’y a pas le big brother qui vous espionne nuit et jour. Non il n’y a pas de photographies des fastes de Versailles ou des guerres napoléoniennes. La photo n’existait pas. Non il n’y a pas de troisième œil. Non il n’y a pas d’humain programmé pour régner, que ce soit dans sa famille, dans son pays, sur la Terre ou dans l’univers. Non, non et non, le complotisme n’existe pas.
Ce qui est vrai, par contre, c’est qu’il y a beaucoup de sociétés plus ou moins secrètes, de mafias, de groupes de pression et de manipulation des gens et des idées. Oui il y en beaucoup, beaucoup trop. Oui mais beaucoup ça ne fait pas un.
Cependant, aujourd’hui, et c’est là que je voulais en venir, un grand nombre de personnes ont le sentiment de n’être pas victimes de ces théories du complot, de s’être débarrassés de cette notion. Presque tout le monde pense avoir dépassé ces recours aux forces cachées et a la conviction de connaître le monde tel qu’il est.
Hélas, encore hélas, on va voir que ce n’est pas le cas.
Car il y a une théorie du complot qui a encore beaucoup d’adeptes : c’est la religion.
Eh oui, une force immanente, omniprésente, qui a ses ministres, ses interprètes, ses initiés, sur terre, chargés de véhiculer sa parole, de faire régner sa morale, de juger du bien et du mal. Une entité, immatérielle, éternelle mais invisible, qui donne l’origine et la fin, qui donne le sens, c’est exactement la croyance que demandent les religions. Que ces croyances soient religieuses, philosophiques, anthroposophiques ou astrologique, que ce soient des sectes, des églises, des écoles, des temples, des autels ou des confréries, elles ressortent toutes exactement de la théorie du complot.
Et c’est pas drôle.
Michel Costadau
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