Ce n’est jamais drôle de voir disparaître son père. Jamais,
Ce n’est pas facile d’apprendre le décès de son conjoint ou ex, mais alors c’est contre nature d’enterrer son fils, même s’il a déjà fait sa vie,
Alain tu es mort trop tôt, trop jeune, trop vite,
Une fois de plus tu nous a surpris,
Parce que s’il y a quelque chose qui te caractérise c’est bien l’oubli de soi,
Certains l’appellent la gentillesse, la générosité ou le courage, mais le vrai sentiment c’est que tu te comptais après les autres,
Même si tu avais été détesté par la terre entière, que tu n’aies eu que des ennemis, Même.,
Même alors, ce n’était pas une raison pour partir,
A vrai dire il n’y a jamais de bonnes raisons pour quitter cette terre,
La terre justement c’était ton domaine. Ton univers,
Tu y posais dessus des murs, des constructions, des aménagements, avec tes mains, parfois avec des gants, vite troués, vite tu retrouvais tes mains,
Ton contact c’était tes mains, pas pour prendre mais pour donner, des mains de maçon,
Métier difficile que maçon, c’est lourd, ça brûle les doigts, il faut faire droit, contenir les forces du sol, du vent, de la pluie,
Métier pénible, mais métier noble,
Le maçon c’est le métronome du chantier, le pivot qui dit quand et comment les autres pourront intervenir,
Et les autres, les amis, tes amis, ça c’était ta vraie richesse, ta seule richesse, ton bagage, ta marque de fabrique, ton trésor,
Je ne les connais pas tous tes amis, mais tous ceux que je connais sont des hommes et des femmes qui comptent et sur lesquels on peut compter,
Et pour eux tu comptais,
Et tu comptes encore,
En vrai, vraiment, je crois que tes amis t’aimaient et je crois que c’est la seule chose qui comptait pour toi,
Tes amis c’était ta vraie mesure, ton mètre toujours dans la poche et tes amis toujours dans la tête et dans les yeux,
Avec eux pas de fausse note, pas de retenue rien que du partage,
Seulement à donner sans mesure tu t’es épuisé, tu as trop pris sur toi mais pour toi aussi il y a des limites,
Tu t’es donné toi-même et, là, là, tu as éprouvé un peu de solitude,
Des comme toi il n’y en a pas beaucoup,
Alors tu as franchi la ligne, seul, et maintenant tu es de l’autre côté,
Mais, en fait, tu le savais que tes amis seraient là, car tu n’es pas seul, tu n’es plus seul tu as tout le monde autour de toi,
Alain nous sommes là,
Nous sommes autour de toi aujourd’hui et nous te donnons la main, cette main qui a tant servi,
Cette main, ta main, c’est notre lien, c’est ton dernier cadeau,
Et nous le garderons longtemps,
Très longtemps.
Michel Costadau
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