André Chantreau 1939-2019
L’hommage de Bernard Audollent
Adieu, Ami,
Il existe des milliers de chansons traitant de l’amour. Paradoxalement il y en a très peu qui célèbrent
l’amitié. J’ai revisité l’une d’elles, et non des moindres, pour vérifier si cela collait avec toi.
Oui, c’est sûr, tu n’as jamais hésité à t’embarquer sur le bateau de l’amitié, les gens que tu croisais et
auxquels tu la proposais, n’étaient pas des amis de luxe, c’était ouvert à tous.
Et sur le ventre nous nous sommes souvent tapés fort.
Ce bateau flottait et ne coulait pas malgré les avis de tempête.
Toutes voiles dehors, Jean, Pierre, Paul, impossible de les citer tous, formaient des compagnies
d’amitié. Et ces compagnies d’amitié tu n’as eu de cesse de les faire se croiser. Et les amis des
différentes compagnies sont devenus une majestueuse compagnie d’amis, nombreuse, très
nombreuse. Une litanie d’amis tellement nombreuse qu’on serait tenté de la comparer à celle des
saints.
Oui, ton credo, c’était bien celui de l’amitié.
Bien sûr cette amitié prenait le quart dans les moindres coûts de Trafalgar et quand nous étions en
détresse, que nos bras lançaient des SOS, souvent, toi, tu nous montrais le nord, c’était toi le
sémaphore.
Et cette amitié a tenu le coup, elle le tient encore aujourd’hui.
Aujourd’hui tu manques à bord, tout simplement, tu nous manques. Mais une chose est sûre, jamais
ton trou dans l’eau ne se refermera.
Coquin de sort, 100 ans après, tu manqueras encore.
L’hommage de Michel Costadau
On peut se tromper, et c’est ce que se disait Dédé tout le temps, mais une chose est sûre, c’est que
pour Dédé, vous, sa famille, avez été sa grande joie, sa satisfaction, sa réussite. De cette réussite il a
tiré une grande force pour surmonter tous les obstacles de la vie.
Et la vie n’a pas été toujours facile pour lui.
Son tempérament à aimer tout le monde a buté sur bien des cailloux.
La maladie l’a saisi très jeune.
Ses choix de vie et ses engagements n’ont pas été toujours aisés à prendre.
Car Dédé n’était pas un théoricien mais un pur relationnel. Les théories, autant religieuses que
marxistes, se mélangeaient dans sa tête et il n’en sortait rien.
Par contre, ses sentiments et ressentis pour les personnes ont toujours été très forts. Durant toute sa
vie, ce sont les personnes, les gens qui l’ont intéressé.
Ça se traduit par une absence d’ennemis et même d’indifférents, et par une foule d’amis.
Car Dédé souffrait de la peine des autres, il l’intériorisait, l’intégrait dans son être, et ça lui faisait
mal profondément.
Seule l’intéressait la cause de l’homme avec une conviction inébranlable sur l’espoir, la possibilité
de se réparer, de réparer.
Il était enthousiasmé par la réussite des autres, et quand ça allait bien, il était content pour eux,
content avec eux.
Il a voulu réparer le monde à lui tout seul, ou presque, et ça lui a coûté la vie. Il nous quitte avec
regret, j’en suis sûr. Au revoir Dédé, continue à exister, on a encore besoin de toi.
Nos rêves pour demain par André Chantreau
Texte écrit par André au printemps 2012, lors d’un rassemblement familial et amical à Hoedic.
André devait écrire un texte exprimant ses rêves pour demain. Ce texte a été mis en bouteille et jeté
à la mer, avec un autre texte sur le même thème rédigé par Christiane.
André Malraux, dans son roman l’Espoir écrit pendant la guerre civile d’Espagne, transmet par l’un
de ses héros ce message : en Amérique du Sud, on raconte cette légende selon laquelle Dieu a
promis aux singes qu’ils deviendraient un jour des hommes. Et chaque matin, on entend dans la
forêt s’élever une grande clameur. Ce sont les singes qui pleurent d’avoir été trompés et encore
trompés, avec leur rêve brisé.
Or,
quand le vent est mauvais,
quand les nouvelles du malheur frappe à notre porte,
quand est chancelante notre santé ou celle des êtres chers,
quand chaque matin la radio nous annonce les bruits de bottes, les rivalités meurtrières,
quand la paix si ardemment chantée la nuit de Noël se voit bafouée, et encore bafouée dans nos
propres communes, ou sur notre planète,
quand les divisions l’emportent dans notre pays,
quand des amours qu’on croyait indomptables se brisent et se transforment en haine,
alors nous sommes comme les singes de la forêt et nous pleurons de voir nos rêves s’envoler, nos
espoirs se briser et notre propre chemin devenir ténèbres.
Nous ressemblons au clown du cirque qui tombe sous les quolibets,
reçoit des gifles non méritées ou un seau d’eau sur la tête sous les risées.
Guignol tragique.
Alors entre les pleurs des singes et la folie d’une espérance chaque matin renouvelée, il nous faut
choisir.
Continuer de croire que l’avenir sera beau et même très beau.
Si nous savons que, à notre niveau, nous ne changerons pas la face du monde, il nous faut du moins
continuer de rêver de modifier la part médiocre qui nous habite et poursuivre avec énergie à la
création d’un climat de douceur, de bonté et de fraternité, dans notre rue, dans notre paroisse, dans
notre commune, dans notre réseau relationnel.
Un rêve très cher plus intimiste :
que l’amour qui nous unit depuis 40 ans ne faiblisse pas malgré l’adversité et les stigmates du temps
et pour encore de belles et longues années,
que la très grande tendresse tissée au jour le jour comme une grand-mère tricoteuse, avec nos
enfants, leurs compagnons et compagnes, nos petits-enfants, demeure solide et mutuelle.
Et un dernier rêve : que le microcosme superbe que nous formons ce soir, dans cette maison du bout
du monde, où s’impose un génie des lieux bienfaisant, soit comme une épure, une ébauche de ce
monde espéré, si fraternel et équilibré.
La folie de nos rêves et nos espoirs pour demain est puissamment encouragé par ces trois jours de
printemps à Hoedic.
Un grand merci à Bernard.
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