Depuis les millions d’années de l’homme, un comportement a toujours été présent et s’est répandu de plus en plus : l’ennui. Oui c’est probablement le sentiment le plus ancien et le plus partagé de l’humanité. La question est donc : savez-vous vous ennuyer ? ou plutôt : apprenez à vous ennuyer car c’est ce qui nous attend.
Ceux qui pensent que c’est là un débat futile font la preuve qu’ils n’ont pas encore très bien compris ce qu’ils faisaient sur terre, car l’ennui non maîtrisé conduit à la déprime, à la dépression. C’est même le syndrome caractéristique des pays dits riches.
L’ennui ne consiste pas à ne rien faire, non l’ennui c’est le sentiment de ne rien avoir à faire. Comme une espèce d’inutilité. Et c’est justement ce ressenti que chaque personne doit surveiller. Parce que le contraire qui est de toujours trouver quelque chose à faire est une addiction du genre activisme, fuite en avant, négation de son existence, de son soi si vous préférez.
Pour commencer à répondre à la question, je vais vous présenter l’ennui souverain, je veux dire le plus noble, le mieux fait, le plus abouti. Oh c’est simple il s’agit de s’assoir sur une chaise devant la fenêtre et de regarder dehors. Je veux dire à la campagne, en hiver, quand il pleut vers 3 h de l’après-midi. Bien sûr dehors il ne se passe rien. Enfin apparemment, parce qu’en fait il se passe plein de choses. D’abord, extérieurement, la nature n’est jamais tout à fait déserte ni immobile. Oiseaux, branches qui bougent, écureuil, finissent par se faire voir. Ensuite et surtout intérieurement, dans la tête les idées se mettent en route et une certaine réflexion se déroule sur les sujets les plus inattendus. D’ailleurs le tournis des idées peut même se traduire par des mouvements sur la figure, sourire, hochement, clignement, preuve de ce remue-méninge.
Cependant, cette forme de maîtrise de l’ennui est assez difficile à pratiquer, car l’on se trouve toujours de bonnes raisons pour faire quelque chose. Et en plus c’est souvent vrai, car réellement le nombre de choses à faire est énorme, mais il convient de ne pas se faire déborder par cette avalanche souvent fallacieuse, voire inventée.
A titre d’exemple, une autre manière de gérer l’ennui c’est le cinéma, la distraction si vous préférez. Aller au cinéma c’est une manière de conjurer l’ennui et même parfois collectivement, ce qui semble donner un label à cette opération. De même les heures devant la télé participent largement de la conjuration de l’ennui.
Car l’ennui fait peur. La raison profonde de la phobie de l’ennui, c’est-à-dire de l’activisme actuel c’est la peur de se retrouver seul avec soi-même, devant soi, tout seul. Certes se retrouver devant une assiette vide alors que ses enfants ont faim n’incite pas à se donner une bonne image de soi, mais impose plutôt de trouver des solutions. C’est pour dire que l’ennui est une affaire de nantis aux estomacs pleins, ce qui est pas mal le cas dans notre pays.
Nous, c’est plutôt le vide de nos existences que nous trouvons dans notre assiette. Certains se tournent alors vers le verre. En le remplissant il nous semble avoir un peu moins peur. Et c’est vrai. En fait l’ennui est bien un des acteurs majeurs de nos existences et il faut savoir le gérer. Si vous êtes dans la mouise essayez, bien sûr, de vous en sortir mais si vous n’y êtes pas, n’ayez pas peur de ne rien faire : c’est excellent pour l’esprit et vous ferez moins de dégâts.
Michel Costadau
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