Il est clair que le principal événement de ces dernières semaines a été ces trois jours de gelée matinale qui ont fait des dégâts qu’on n’avait pas connus depuis longtemps. Pour les viticulteurs, arboriculteurs, pépiniéristes, maraîchers, c’est une perte sèche de leurs revenus qui se profile. Personnellement, en tant que céréalier, il n’y a, touchons du bois, aucune incidence. Blé et orge n’ont rien ressenti, les pois chiches et les féveroles non plus. Le tournesol était semé mais pas encore né et le soja pas encore semé. Par contre, autour de la maison ce n’est pas pareil. Les figuiers n’ont plus de feuilles, les noyers non plus. Même les jeunes acacias ont flambé et certaines pointes d’asperges ont roussi. Au verger, les cerises sont noires, les pommiers n’ont plus aucun fruit et idem pour les pruniers. Seuls les poiriers semblent avoir bien supporté et le cognassier a encore quelques fruits.
Mais restons sur les viticulteurs, bon alors c’est allo maman bobo : envoyez les aides.
Eh oui on a déjà eu l’impôt sécheresse, les calamités naturelles pour les inondations et des milliers de plans d’aide pour le cochon, le canard, le blé ou la grêle. Alors pourquoi pas le gel.
Cette attitude me gêne un peu, parce que quand on ferme une entreprise et ses usines, et ça doit être autour d’une par jour en ce moment, certes on donne quelque chose aux salariés, mais les actionnaires perdent tout : actions, pouvoir, voire même un peu d’argent. Alors, sans la moindre ambigüité, il est absolument impossible de pleurer sur le sort des actionnaires. Rien ne les a obligés à investir leurs euros dans des projets. Et d’ailleurs, dans la majorité des cas ils font le jackpot, ce qui leur permet de continuer. Ce n’est bien sûr pas le cas des salariés dont la dépendance au marché du travail est totale, marché créé par ces mêmes actionnaires. Et les viticulteurs, comme tous les agriculteurs – on n’ose plus dire paysans – sont des actionnaires, souvent le seul et souvent même pas en société, mais ça ne change rien à leur statut.
Bien sûr, il y aussi l’assurance comme solution. Ce système a l’avantage d’être au cas par cas, contrairement aux aides qui sont générales, mais c’est onéreux et il y a une franchise. C’est d’ailleurs une des orientations de la PAC de faire de l’assurantiel, mais pas encore en vigueur. Seulement les assurances c’est le contraire d’une aide : c’est une charge, qui va donc se répercuter sur les prix.
Techniquement, contre le gel il y a aussi des systèmes de protection, en particulier pour les vergers. Pourquoi pas pour les vignes. Je ne crois pas qu’il y ait de contre-indications. Dans ce cas là une aide a ses vertus pour inciter à s’équiper. L’Europe, hors PAC, aime bien ce genre de concept d’aider les gens à investir parce que ça fait marcher le commerce.
Mais il y aussi une autre solution toute simple : ne rien faire. Cette idée me plaît assez, d’une part parce qu’il semble difficile de s’engager dans le cercle vicieux de protéger l’agriculture de tous les aléas et d’autre part parce que, qu’on le prenne par n’importe quel bout, c’est toujours le consommateur qui paye les aides. En plus, ne rien faire a comme vertu d’obliger les gens concernés à se défendre, voire à s’auto-organiser. Vous allez me dire que c’est ce genre de regroupement professionnel qui a conduit aux aides que nous connaissons. C’est vrai parce que ça a été porté au plan national et instrumentalisé par les politiques. En fait moi je pense plutôt à des actions purement de terrain concernant des gens qui se connaissent et ça existe déjà un peu, comme une solidarité locale. Parce que là où les gens s’entendent, les intempéries et les politiciens n’ont plus aucun pouvoir. Seulement, vous le savez, tout le travail des politiques consiste justement à ce que les gens ne s’entendent pas, à commencer par eux, car le compromis c’est-à-dire l’intérêt général n’est plus ou pas encore dans leurs gènes. Est-ce qu’on pourrait penser à changer ça ?
Michel Costadau
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