J’ai cru qu’on était enfin sorti d’une bien mauvaise période. Je veux parler de cette débauche de drapeaux et d’hymnes que nous avons subie pendant plusieurs mois. Bleu blanc rouge et Marseillaise, autant de manifestations que je ressens comme des agressions violentes.
La Marseillaise me fait froid dans le dos, d’abord par ses paroles insupportables, mais aussi par toutes les idées qu’elle réveille, guerres, politiciens, commémorations, sport, anciens combattants, rien que du sordide et de l’appel au meurtre. Mes poils se hérissent rien qu’à son évocation et quand une foule se met à la chanter, ça me donne franchement la nausée.
Quant au bleu blanc rouge, c’est pour moi un signal grinçant qu’envoie celui qui le porte ou le plante. Et ce signal c’est « je vous hais ». C’est identitaire, avec mépris de l’autre, et manifestation d’antisolidarité. Oui celui qui met au vent ce drapeau veut indiquer qu’il « em….bête » tout le monde, comme une revanche de malheureux. Car il sait que c’est une agression et que ça transforme sa façade en caserne ou en bâtiment public. Les Anglais ont le même comportement avec la royauté qui exhibe sous leurs yeux la turpitude des nantis, mais ça les réjouit car ils savent que c’est une atteinte permanente à la fraternité, et ça leur tient lieu de compensation d’une vie étriquée et maussade, maigre certes, mais compensation.
Il y a aussi des phrases pour lesquelles il faudrait punir comme fauteurs de trouble ceux qui les utilisent, oh pas l’amateur de la brève de comptoir, non, mais le politique qui sait le mal qu’il fait. Des mots comme « l’amour de la patrie » ou « la fierté d’appartenir à la communauté nationale » ou « les valeurs de la nation » sont indignes, et répandent la peste quand ils sont énoncés. Non seulement la patrie n’existe pas, car notre pays n’est que le résultat de l’appropriation du domaine royal par une caste bourgeoise capitalistique pendant presque 200 ans, puis financière depuis plus de 50 ans, mais donner à penser qu’elle puisse susciter de l’amour relève de la pire propagande nazie. Hélas les politiques n’ont pas peur de ça au contraire, les enchères dans le patriotique xénophobe atteignent des sommets, mais l’actualité nous rappelle que l’on ne combat pas le terrorisme ni même la délinquance en prêchant la haine.
Ca a commencé avec les attentats de fin d’année, puis le deuil national, puis les manifestations à répétition, puis la coupe de foot, et puis encore la fête nat. Et maintenant ils ont déguisé la tour Eiffel en drapeau. Il est facile de comprendre que tous ces événements sont de la même lignée, ressortissent du même esprit de triste résignation et de désinformation politique.
Que l’on sorte le même drapeau et la même musique pour la guerre et pour le foot est un symbole qui ne devrait pas nous laisser tranquilles. C’est changer la population en une bande de grossiers ivrognes pusillanimes que de lui faire chanter La Marseillaise dans le stade ou dans la rue. Et à plus forte raison de s’en réjouir. L’identité nationale est une illusion derrière laquelle on cache l’inexistence individuelle des citoyens. Il ne peut y avoir de nation, c’est-à-dire de groupe que si chaque individu existe, a des idées, se bat et est solidaire des autres. Le seul rempart contre le terrorisme, c’est la solidarité. Seulement ça, la caste politique ne le permet pas.
Michel Costadau
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