Billet un peu décousu comme ce début d’année.
Les positions sont claires, c’est gouvernement contre Gueux Joyeux. Les gueux sont maintenant inscrits et même ancrés dans le paysage peut-être pour longtemps. Ils ont été un révélateur inattendu des dysfonctionnements de nos médias : blocage d’info sur les motivations et la composition sociale du mouvement, mise en avant des dommages pour les commerçants et de l’effet sur le PIB au lieu de la prise en compte du mécontentement, mise en scène des casseurs et grande ignorance du soutien massif de la population.
Les gueux ce n’est pas un mouvement, c’est une révolte. Ils parlent de revendications mais ce qui les intéresse vraiment c’est le pouvoir. Pas prendre le pouvoir, mais le faire tomber.
Alors ils commencent à avoir un discours. Et en fait de discours, je suis frappé par son formatage :
-rage au ventre, fierté partagée, respecter notre diversité, pas se diviser par rapport à l’adversité,
-système écrasant, système actuel, système huilé, riches, grandes sociétés,
-notre parole, écouter notre parole, ne pas détruire le lien entre les gens,
-revendications populaires, égalitaires, sociales, écologiques.
Je me demande si ça ne ressemble pas à du Fidel Castro. C’est un discours antipolitique, antipoliticiens, antipartis, empathique et consensuel.
C’est un discours complètement antisystème.
C’est même tellement ciselé, sans rien qui dépasse, que je me pose des questions. Oh pas sur l’existence d’un complot s’il vous plaît, qu’il soit politique ou religieux, non plutôt sur la survenance enfin d’un état d’esprit antisystème. C’est bien sûr ce à quoi je m’emploie depuis longtemps, mais je reste confidentiel et je n’y suis pratiquement pour rien.
Or vous savez comme moi qu’en France il n’y a pas de parti ou d’organisation politique antisystème. Nous avons même depuis un an un parti entièrement fabriqué par le système. Des mouvements antisystème y en a dans presque tous les pays européens, mais pas chez nous. Nous n’avons que des partis politiques classiques basés sur des idéologies et c’est pour ça qu’on parle de droite et de gauche, le centre n’étant qu’une vaste poubelle. Bref, d’où vient le souffle qui anime cette soudaine effervescence qui occupe la rue.
En fait je ne crois pas à une espèce de science infuse du peuple qui trouverait les mots appropriés partout et en même temps. Donc je me pose des questions.
Dans l’esprit de tout le monde, ce sont les GJ qui mènent la danse. Oui ils ont déjà beaucoup obtenu, oui ils ne sont pas récupérés par les politiques, oui c’est une révolte populaire soutenue par l’opinion. Et d’ailleurs tout le monde se demande : vont-ils continuer ?
Bon d’accord mais ont-ils vraiment la main, c’est-à-dire, est ce que le rapport de force avec le gouvernement est en leur faveur ?
Réponse : euh non, ni la main, ni la force.
Ah bon, mais quelle est la situation alors ? Ben la situation est que le gouvernement n’a strictement rien changé de sa politique de financiarisation de la société. Quelques taxes reportées, des primes et de maigres augmentations pour maintenir le PIB. Rien sur la fortune, rien sur les services publics, rien sur l’environnement, la totale allégeance aux force de l’ordre. La routine quoi.
Pour moi, la seule question est : est-ce que cette révolte va pouvoir engendrer une organisation antisystème qui s’installe dans le paysage politique ? Je n’y crois pas, mais on peut se tromper.
Michel Costadau
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