Je suis céréalier mais je vois aussi des vaches. Des bêtes de 800 kg au poil ras, café au lait. Et à ma grande surprise elles se mettent à faire des sauts sur place des quatre pattes, une fois en l’air jolie ruade et petit pliage des jambes avant. On croirait une figure de Saumur tellement c’est bien fait. En plus elles tortillent un peu en l’air, ce qui ne doit pas être dans le canon mais manifeste une belle exubérance. Tout simplement elles sont contentes de retrouver un nouveau paillage et un peu d’espace pour s’ébattre.
Ma surprise vient de ce que 10 secondes avant je les considérais comme des bovins, c’est-à-dire des bêtes lentes, lourdes, ruminantes, seulement destinées à devenir du pot-au-feu ou au mieux du rôti.
Cet assaut d’expression libre et de danse m’a donc interrogé et m’amène à me poser des questions sur le déclic de ma réaction.
Le premier truc que j’ai senti c’est la jeunesse. Comment des vaches proches de l’abattoir pouvaient-elles avoir ces sautillements primesautiers sans être jeunes c’est-à-dire inconscientes du monde qui les entoure. J’avais oublié que les vaches ça commence aussi par être jeune. Mais qu’est-ce que font les vaches de leur jeunesse, à vrai dire je n’en sais rien. Il y a le veau et puis après la vache. En fait si, ça me revient : entre les eux il y a la génisse. Seulement je n’ai pas un très bon souvenir du foie de génisse qui, comme chacun sait, est le foie des vaches de réforme. D’ailleurs une grande partie de la viande dite bovine vient de vaches de réforme. Bien sûr il y a des exceptions, c’est fait pour ça.
Le second truc c’est la force, parce que propulser presque une tonne à 1m de haut demande une belle énergie, en plus avec une certaine légèreté et agilité comme si c’était facile. Alors il y a le pis mais aussi le muscle. Des muscles partout qui se tendent et se relâchent à volonté, et la volonté de sauter y est presque comme un challenge. Je suis sûr qu’elles cherchent à aller le plus haut possible pour la compet, pour le prestige mais aussi pour le fun. Parce que c’est clair ça leur fait plaisir de sauter, de bondir, de gesticuler. Et elles sont même pas essoufflées.
Ensuite j’ai ressenti un aspect collectif, non pas qu’elles jouent une composition mais elles sont ensemble et se regardent gambader avec une espèce d’émulation. Elles ne sautent pas en même temps mais plutôt à tour de rôle, ce qui ne les empêche pas en passant de donner un bon coup de tête à la voisine, gentiment. Presque elles paraissent contentes de ne pas être seules. Il y a certainement des affinités plus précise entre elles mais c’est assez difficile à observer. Un saut, un coup de tête, une petite accélération c’est ça le ballet qu’elles jouent.
Alors je me suis redemandé à quoi servent les vaches. La réponse vient de l’agronomie : on a pas encore trouvé de meilleur moyen pour entretenir les prairies. Voilà les vaches c’est pas de la viande sur pieds, c’est l’aboutissement de la boucle du végétal.
Rigolez pas ça aurait pu être nous.
Michel Costadau
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