Je viens d’entendre parler d’une nouvelle initiative de l’État pour transférer vers les citoyens les délits environnementaux. J’espère exagérer un peu car il n’est, pas encore, défini précisément de délit. Nous devons donc plutôt parler de tendance. Alors quelle est la tendance ?
Il y a d’abord un aspect concernant l’utilisation de tous types de produits.
Jusqu’à maintenant, l’État était, plus ou moins, garant que tous les produits vendus au consommateur étaient « autorisés » c’est-à-dire conformes aux lois en vigueur et sans danger. En particulier sans danger pour la vie humaine et dans une certaine mesure pour la vie tout court et pour la nature. A condition bien entendu d’en respecter l’usage. L’État ne veut pas être accusé d’avoir autorisé la vente de couteaux au prétexte que certains s’en servent pour en tuer d’autres. Évidemment cette notion de bon usage des produits suppose que l’utilisateur non seulement en connaisse le fonctionnement mais aussi connaisse ses dangers potentiels. Et là il y a un sérieux problème car le business a tendance à cacher de plus en plus la nocivité de ses produits et l’État est de moins en moins diligent pour en interdire l’usage.
Il y a aussi un aspect lié au fonctionnement de divers sites de production permanents ou périodiques. Disons que, avant, l’État était garant qu’une usine ne polluait pas trop ou tout au moins sans danger pour le personnel et autres voisinages. Bien sûr c’était une position théorique puisque dans la pratique l’État autorisait à peu près n’importe quoi. Mais enfin il était possible, non sans mal, de se retourner contre les pouvoirs publics. De même l’État se faisait fort d’édicter des normes que devaient respecter les entreprises et tous types d’engins en circulation rejetant des tas de choses dans l’air, dans l’eau ou dans la terre.
Bien bien, tout cela est donc en train de changer en inversant la responsabilité. L’Etat ne voulant plus protéger les citoyens dit que c’est aux citoyens de se protéger eux mêmes. Ah bon mais je croyais que l’État c’était un peu nous avec nos impôts, nos services publics, nos fonctionnaires, le tout contrôlé par nos représentants. Est-ce que ça veut dire que l’on ne peut plus compter sur l’État ?
Ben oui et même pire que ça : si tu habites près d’une usine émettant des substances dangereuses c’est à toi de mettre des filtres dans ta clim et dans ton circuit d’eau. Dans le cas où tu n’en mettrais pas et que toi ou quelqu’un des tiens se plaindraient, voire seraient victimes de maladies, tu serais accusé de t’être exposé en connaissance de cause à un danger. Un peu comme un suicide. Il en est de même de n’importe quel produit que tu achètes. S’il s’avère dangereux, tu n’aurais pas dû l’acheter et tu risques d’être accusé, par exemple, de pollution ou d’empoisonnement si c’est le cas. Ça craint vraiment.
Alors voila c’est ça la tendance. Elle vient évidemment d’assez loin : Seveso, hépatite, amiante, AZF, Tchernobyl, CO². Ceux qui parlent encore d’État providence n’ont pas compris que l’État, étant aux mains du business est devenu notre geôlier, notre ennemi avec sa justice, son armée et ses polices.
D’ailleurs dans l’épisode récent du virus, personne n’a eu l’idée d’accuser l’État de ne pas avoir protégé nos frontières, empêché notre pays d’être envahi et d’avoir, ainsi, d’entrée de jeu perdu la guerre. Mais que fait l’armée ? Clairement personne n’attend plus rien de l’État.
Que des ennuis.
Michel Costadau
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