Il paraît que la machine a triomphé de l’homme parce qu’elle a gagné une partie de go. C’est vrai qu’on entend des monuments de bêtises en ce moment, mais là c’est de l’intox pure et dure. Restons calmes parce que la seule chose qu’on peut dire, c’est que quelques personnes ont mis au point un programme qui a gagné la partie contre un autre individu, un champion certes. Le vainqueur n’est donc pas une machine mais ceux qui ont écrit les algorithmes sur lesquels est basé ce jeu. Y a pas de quoi fouetter un chat, parce que des programmes qui font des choses plus vite et mieux que les hommes, ça fait un sacré moment que ça existe. Et même c’est la base de la productivité. Essayez donc de faire décoller et atterrir des avions avec seulement les yeux et les oreilles de l’aiguilleur du ciel, ou de faire faire par des individus, même assez doués, le travail des robots de construction d’automobiles et vous verrez le désastre. Bon alors on se calme. Pour illustrer cela, il y a en ce moment une bagarre pour déverrouiller des codes de Smartphone, et je n’entends pas qu’il soit question que la machine se débrouille toute seule là-dedans, mais seulement de propriétaires de logiciels et de hackers. Ce qui est sûr c’est que les logiciels ont envahi notre vie depuis la machine à laver jusqu’aux ordinateurs, en passant par les effets spéciaux et les pannes de réseaux.
Pour remettre les choses dans une saine perspective, les programmes et les logiciels sont, tout simplement, la suite de ce qu’hier on appelait l’artisanat. Parce que pour faire marcher une horloge, un sextant ou une machine à coudre, il faut un sacré paquet de technicité. Les développeurs de logiciels d’aujourd’hui sont donc les successeurs des artisans d’hier. C’est vrai que parmi les informaticiens, il y en a qui sont franchement plus doués que les autres, qui trouvent des solutions là où ça parait impossible, mais c’est exactement ce que faisaient les artisans d’hier en mélangeant toutes les astuces possibles de manière à faire que ça marche.
Le seul point qui m’inquiète un peu avec les logiciels, c’est qu’il y a en tellement partout, que je ne suis pas sûr qu’il y ait encore des gens qui sachent comment ça marche, ce qui oblige à en faire de nouveaux à chaque fois ; mais je pense qu’il y a en a qui tournent encore et dont plus personne ne sait ce qu’ils font.
Alors, alors, il reste la question : mais pourquoi toute ce battage autour de cette partie de go. Pourquoi les médias enfourchent-ils, une fois de plus, le cheval du dépassement de l’homme par les machines. Et le refrain de l’intelligence artificielle, paradis de l’humanité. Et les machines qui apprennent toutes seules et vont vous pondre 10 Picassos par jour, plus vrais que les vrais.
La raison on la connaît c’est le business, c’est la finance. Et cette raison se décline en plusieurs étapes. Première étape, le monde actuel est caractérisé par une fuite en avant dans laquelle les problèmes sont censés avoir leur solution demain, toujours demain. Mais pour faire croire qu’il peut y avoir des solutions, rien de tel que de vanter la puissance des machines que l’on qualifie allègrement de beaucoup plus fortes que les hommes. Deuxième étape, dans le monde actuel il n’est pas bon qu’un ou plusieurs individus n’aient pas confiance dans le système. A ceux-là il faut taper sur la tête, au propre et au figuré, et rien de tel que l’image d’un expert se faisant ratatiner par un logiciel. Troisième étape, pour le business, chaque individu n’est qu’un consommateur et ne doit surtout pas se mettre à penser ou réfléchir. Et les médias sont là pour lui rappeler qu’il doit avoir seulement confiance dans les machines et seulement dans la puissance des dominants. Il n’y a pas que la politique qui est triste, le business aussi.
Michel Costadau
Comments are closed.