On a gagné, on a gagné. On peut applaudir, on peut dire hourra et hourra, il faut féliciter, il faut crier, chanter, pleurer.
Oui on a gagné. Gloups ! Ah non ce ne sont pas ces gamins en culotte courte dont je parle. Eux je ne vois pas ce qu’ils nous ont fait gagner depuis qu’on les promène avec leur ballon rond dans les bacs à sable de la planète. En fait rien, strictement rien.
Non je parle de nous. Oui nous. Nous nous sommes battus, nous avons eu des idées et nous avons gagné. Pour mieux voir cela il faut simplement regarder comment vivaient nos parents et comment vivent nos enfants. Oui nous sommes, ou plutôt nous avons été, la génération de la libération. Libération dans le monde, libération dans les relations, libération dans les modes de vie.
Attention, tout n’est pas rose pour autant, c’est même plutôt noir, car face à chaque évolution il y a toujours des mécanismes de récupération. C’est un peu l’effet bélier : il faut une grande quantité d’eau qui descend pour en faire remonter une petite quantité. Parce que l’eau ne remonte pas naturellement, il faut l’aider.
Nous avons développé beaucoup de combats, de résistances et d’idées novatrices et obtenu, quand même, pas mal d’améliorations.
Oui nous avons été mal jugés, c’est-à-dire méprisés, critiqués, bannis. Au début on nous prenait pour des hippies, des drogués, des obsédés. Nous avons supporté cela et maintenant tout le monde fait comme nous. On nous traitait de feignants, d’antifrançais, de réfractaires. Nous avons gardé le cap, difficilement c’est vrai et aujourd’hui beaucoup partagent nos idées.
Oui le monde de nos parents c’était la guerre d’Indochine, la guerre d’Algérie, la Guerre froide. Hélas il y a encore des guerres, beaucoup trop de guerres, mais paradoxalement, nous ne sommes plus en guerre. Nous participons à des opérations, peu louables c’est vrai, mais il n’y a plus de contingent, il n’y a plus que des mercenaires. A priori nous n’occupons plus militairement aucun pays. Certes les bombardements et les drones ont remplacé l’occupation du terrain avec drapeaux, trompettes et casernes, mais depuis longtemps nous n’occupons plus d’autres pays.
Oui le monde de nos parents c’était une société complètement coincée, étriquée et religieuse dans laquelle les apparences comptaient plus que les sentiments. Nous avons fait voler tout cela en éclats, en cassant les barrières sociales, en mettant le partage et la solidarité en avant. En plus nous avons agi de manière absolument non violente, simplement en disant : ça ne nous convient pas, nous allons essayer autre chose. Et des essais nous en avons fait. En groupes, en communautés, ou seuls nous avons voulu mener une vie selon nos valeurs, nos idées, nos sentiments.
Ca se cherche encore, parce que l’évolution continue, mais nous avons donné le branle, lancé le mouvement de l’acceptation de la différence et du respect des choix personnels. Ca nous a coûté beaucoup en respectabilité, en parcours professionnel, en tranquillité, en honneurs.
Mais comment ne pas se réjouir de voir des jeunes qui se moquent de l’armée, du mariage, des arrivistes, de la religion et des politiques. Comment ne pas voir que nous avons changés le monde. Alors c’est vrai que nous ne sommes pas autant fêtés que les sportifs, mais quand même c’est nous qui faisons le boulot. Encore bravo.
Michel Costadau
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