Quand je vous disais, dans le billet « Résultat des courses » de novembre 2016, que l’élection de Trump était une bonne chose pour nous, je disais aussi, implicitement, que ce n’en était pas une pour les Américains. On le voit un peu plus tous les jours. J’ai été sidéré que ce président aille voir les victimes de la tuerie, alors qu’il l’a, on peut dire, encouragée tant par ses tweets haineux que par son laxisme sur la réglementation des armes. Quand à son idée d’armer les enseignants, je me demande si ce n’est pas la nostalgie du western qui le ronge. Mais j’ai bien vite compris qu’il s’agissait là, comme d’habitude, de simples opérations de com.
Un : la présidence américaine n’est qu’une vaste action de communication. Et cette méthode a fait des émules dans le monde, en particulier hélas chez nous. Deux : nous partageons, donc, avec les US le triste privilège d’avoir des agences de pub comme gouvernement.
Oui je veux dire que l’ensemble de l’exécutif français ne fait que de la com. C’est son mode de fonctionnement et ça fait tourner les médias.
Trois : le décor. Une petite équipe d’une vingtaine de personnes a obtenu par des moyens divers, dont la démocratie est absente, ce qu’on appelle le pouvoir politique. Autour de ce noyau gravitent une centaine d’entités publiques ou privées chargées de réunir les souhaits des donneurs d’ordres que sont les groupes industriels, les banques, les lobbies, la commission et les sociétés de sondage, censés représenter la population.
Quatre : le fonctionnel. Une fois les besoins des groupes obtenus, les entités les formulent le plus explicitement possible et les présentent au noyau. Le noyau fait un tri, quelques arbitrages préliminaires et établit une liste avec des priorités. Ces listes sont alors remises à une quinzaine d’agences de com et de pub afin qu’elles bâtissent des plans d’action autour de chaque point de la liste, avec une mise en œuvre définissant les acteurs, tant civils que politiques, le timing, les moyens, et produisent les dossiers correspondants.
Cinq : l’opérationnel. Ces dossiers sont alors traités par le noyau pour définir l’agenda, c’est-à-dire le planning de réalisation des différents points choisis. C’est là qu’interviennent officiellement les politiques qui doivent alors jouer leur partition, dans le cadre de l’orchestration globale définie dans les plans de com retenus par le noyau.
Chaque étape de chaque campagne de pub est alors exécutée avec des invariants classiques. Toutes les actions sont présentées comme des réformes censées améliorer la vie de la population. C’est l’habillage. Beaucoup d’actions sont lancées en même temps afin de diviser les oppositions éventuelles. C’est l’effet feu d’artifice. Presque toutes les actions sont présentées comme des décisions directes du chef de l’Etat et dans quelques cas du gouvernement. C’est l’effet leader maximo ou dirigeant éclairé. Beaucoup d’actions ne font que reprendre à la marge des thèmes déjà traités. C’est le mécanisme vache à lait. Presque toutes les actions ont un point de passage par le parlement, qui cependant ne décide d’aucune d’entre elles, mais doit seulement les transformer en lois. C’est la bénédiction institutionnelle.
C’est comme ça que ca marche et ca marche très bien pour ……… le business.
Evidemment, ce n’est pas tout à fait aussi fluide que je le dis, car il y a des perturbations. Notre dit gouvernement n’est pas le seul à agir ainsi. Il y a beaucoup d’autres groupes d’intérêts qui agissent auprès d’autres gouvernements. Certains groupes d’intérêts agissant même directement pour leur propre compte : les internet, les pétroliers, les chimistes et quelques autres.
Mais enfin me direz-vous où est le problème puisque c’est comme cela que ça marche. Oh le problème c’est qu’avec ces méthodes l’opinion publique n’existe plus, étant seulement le résultat des manipulations des agences de com. Dit crûment ça veut dire que nous ne savons plus ce que nous pensons, et ça c’est un problème. Tout le monde voit bien que le chômage est constant depuis 30 ans, que les emplois se précarisent, que les entreprises ont de plus en plus de pouvoir sur les salariés, que les services publics se délitent et qu’on essaye toujours de faire de tous les musulmans des terroristes. Oui toute la population voit bien ça, mais plus personne ne sait quoi en penser. Et pourquoi, parce que le noyau assume. Il assume le chômage, il assume la précarité, il assume les mouroirs pour vieux, il assume les retards du train, les morts sur la route. Oui il assume. Et nous, nous subissons, les épaules voutées, le regard bas, les pieds pris dans le béton. Mauvaise passe, j’espère, parce que attention le béton ça sèche vite.
Michel Costadau
Comments are closed.