J’en profite pour lui dire que je suis assez d’accord avec son analyse. J’ajoute que si, à la dernière élection, moins d’un tiers des électeurs ont voté c’est bien pour sanctionner la gestion du virus : zéro pointé. Normalement c’est une note éliminatoire mais il faut s’attendre à tout avec ces gens-là. Mon voisin acquiesce doucement. Il me semble qu’il fait partie, comme moi, de ceux qui ont laissé les urnes aux groupies. Nous atterrissons sans secousses et l’équipage, après un petit cafouillage entre la porte arrière et la porte avant nous prévient qu’à cause du virus il faut débarquer rang par rang. Je fais remarquer à mon voisin que ça a toujours été le cas et que ça fait donc partie du discours que l’on fait peser sur nous pour justifier toutes ces mesures liberticides et inutiles.
Le taxi me mène gentiment à l’hôtel où effectivement il y a une piscine intérieure dont je profite immédiatement. Pour dîner je me cherche un resto en centre ville et je trouve une auberge genre savoyarde avec un repas au fromage : soufflé au fromage en entrée, fondue au pain à l’ail, tomme, le tout avec un blanc sec genre vin de paille. Le service est assuré par un homme extrêmement corpulent dont l’agilité me sidère. Il semble marcher sur la pointe des pieds qui paraissent d’ailleurs minuscules sous ce grand corps. J’avais déjà remarqué cela plusieurs fois. Il y a de la danse chez les hommes très gros. Je finis par un café. Je ne sais pas si ce repas se digère bien en tous cas je n’ai plus faim et je m’endors assez facilement.
***
Ce matin livraison. Je prends un taxi jusqu’à l’adresse indiquée. C’est un petit pavillon dans une rue tranquille pas loin de la tumultueuse rivière. Un coup de sonnette et une dame vient m’ouvrir.
-Bonjour madame, je souhaite parler à monsieur Paronet,
-Ah je vous l’appelle, Didier c’est pour toi,
-Bonjour monsieur Paronet, j’ai une livraison pour vous,
-Ah bon donnez la moi,
-Oui j’ai trois questions à vous poser pour cela,
-Ah bon,
-Voila : vous êtes né un 29 février mais vos parents n’ont pas accepté ce jour-là comme date de naissance, pourquoi ?
-Ah oui je vois, je suis né à 2h du matin. En accord avec la maternité mes parents ont préféré le 28. Mon père a donc déclaré le 28 février comme date de naissance,
-Très bien, il y a aussi une particularité dans votre prénom,
-C’est vrai je m’appelle Didier Antoine Didier sans que l’on sache très bien pourquoi,
-D’accord, vous avez il y a quelques années exercé un métier assez original lequel ?
-Oh, vous voulez dire quand je faisais de la lecture labiale, c’est ça ?
-Ok c’est bon, je vous donne votre livraison.
Je récupère le colis pour lui que j’avais caché dans la haie et le lui donne en disant au revoir bonne journée. Comme ça mon boulot parait assez simple. Il faut dire que dans le cas précis c’était un déroulement lisse d’un bout à l’autre, mais bien sûr il arrive que je ne trouve pas la bonne personne et là il faut faire sérieusement gaffe à ses miches parce que ça peut partir en pluie fine. En fait je dois absolument m’assurer que je remets le paquet à la bonne personne, c’est ça la clé de ma mission. Les questions aident à cela, mais je dois quand même me forger une intime conviction avant de livrer.
Michel Costadau
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