-Vous ne répondez pas à ma question. Ok pour prendre de la distance, mais ça revient un peu à s’éloigner de la réalité or justement le physique, c’est-à-dire en l’occurrence l’état de santé réel d’une personne, ne suit pas toujours le mental et, à un moment, il faut quand même rabouter les morceaux,
-L’expression « prendre de la distance » est peut être mal choisie car il ne s’agit pas de s’éloigner de la réalité, mais seulement de se regarder en train de s’y mouvoir. D’ailleurs il me semble que la réalité ne peut se révéler que quand on a la possibilité de s’en extraire mentalement. Par exemple dire que quelqu’un, et particulièrement soi-même, est amoureux, n’est possible que si l’on dépasse les sentiments pour constater un état. Sinon, on reste empêtré dans des envies et des réactions que l’on n’arrive pas à comprendre. Le statut amoureux prend beaucoup de vigueur si l’on arrive à caractériser l’état dans lequel on se trouve et qui est la stricte réalité. C’est encore plus pertinent si l’on s’aperçoit que, justement, on n’est pas dans cet état, amoureux, par exemple.
-Oula c’est que du raisonnement votre truc, moi je n’aime pas ça. On se fait toujours avoir avec des machins pareils,
-Mettons, ça n’est pas complètement faux, mais pour rester concret je suis sûr que votre mère est consciente de son état, qu’elle en a très bien pigé la réalité mais elle est responsable de sa santé et elle seule. Il me semble, en plus, qu’elle a fait le choix de ne pas vous inquiéter. En ce moment il y a un méchant déraillement de l’État. Il est complètement dans l’erreur en essayant d’imposer des comportements à la population sous prétexte de diminuer les dépenses de la sécu. J’ai lu qu’en GB, ils voulaient refuser de prendre en charge les cirrhoses, sous prétexte que les gens buvaient trop. Il y a surement des moyens de sortir certaines personnes de la dépendance alcoolique, mais refuser de les soigner ou les priver de remboursements, ce qui est la même chose, c’est de l’abus de pouvoir et la rupture du vivre en société,
-Ah, que vient faire la société là-dedans ?,
-Plus personne ne naît dans une grotte ignorée des hommes, les individus naissent dans une société, petite ou grande avec ses règles et ses usages et son vivre ensemble. On ne choisit pas ses parents, pas plus que la société dans laquelle on naît. La première chose que fait la société c’est vous donner un numéro de sécu. C’est le rituel d’entrée, à ce moment-là vous commencez à faire partie du groupe et le groupe n’a plus le droit de vous laisser tomber, quoi que vous fassiez. C’est ça le vivre ensemble. Enfin théoriquement, parce que cette règle est presque toujours bafouée par les gouvernants pour qui les citoyens sont devenus le dernier de leurs soucis et qui demandent seulement une gestion statistique,
-C’est vous qui l’avez inventé ce truc du vivre ensemble. Remarquez c’est assez sympa. Ça fait un peu utopiste mais ça se tient. Néanmoins moi j’ai plutôt l’idée qu’il faut se débrouiller tout seul sans compter sur les autres ou la société comme vous dites,
-Les autres font partie de la société mais ne sont pas la société. Ce qui fait la société c’est un ensemble un peu variable, mais qui comprend le plus souvent, une langue, des usages, des règles, des rites et un certain nombre de services collectivisés. C’est à ce groupe que vous et les autres appartenez,
-Peut-être mais, pour moi, il n’y a rien à attendre de la société. D’ailleurs qu’est-ce que vous voudriez attendre et obtenir, hein,
-Restons calme, je comprends votre réaction mais la première chose à attendre de la société c’est sa propre intégrité, physique et morale. Physique c’est-à-dire la santé, la sécurité, morale c’est-à-dire l’éducation, l’information,
-La santé, mais la société n’y peut rien si vous êtes en bonne ou mauvaise santé.
-Ben si, justement la société peut beaucoup. Il est, théoriquement hélas, fini le temps des sorciers.
Michel Costadau
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