Faut-il élever les filles comme les garçons ? Je veux dire avec la même éducation. En fait c’est exactement ce qui se passe en ce moment. Il y a même une tendance pour faire que ce soit de plus en plus pareil, comme s’il n’y avait aucune différence entre eux. C’est vrai qu’il n’y pas encore si longtemps il y avait deux éducations, la rose et la bleue. Et ce n’était pas une question d’enseignement, mais bien d’éducation.
En simplifiant, l’idée était d’inculquer à chacun des deux sexes ce qui lui serait utile dans sa propre vie. Ce qui l’aiderait à trouver un équilibre et, pourquoi pas, des satisfactions dans son existence.
Il faut dire qu’à cette époque l’objectif de la vie n’était pas la seule recherche du plaisir, comme c’est le cas aujourd’hui chez nous, mais seulement d’essayer de vivre. Le fait d’être vivant était en soi une victoire sur l’ennemi universel qu’est la mort et sur son majordome le malheur.
Pour les garçons, l’essence était de se faire respecter, de créer un peu d’espace autour d’eux comme une espèce de survivance des joutes de la chevalerie moyenâgeuse. Espace théorique pour y loger sa famille et ses proches. En fait, il fallait exister, c’est-à-dire surnager dans le marécage des diverses forces présentes dans la société. Et pour cela un grand nombre de moyens étaient utilisables, depuis la force physique jusqu’aux cercles de relations en passant par les aptitudes intellectuelles, manuelles ou musicales. L’insensibilité était la vertu de base, dans le but de ne pas être affecté par les vacheries de l’existence. Tous ceux qui partaient à la guerre juraient de ne jamais reculer et du coup mouraient et nombreux et pour rien. Bien sûr il y avait exactement comme aujourd’hui des castes et c’est plutôt à l’intérieur de chacune d’elles que se déroulait l’existence et ses combats. Rester à son niveau, voire monter c’est-à-dire surtout ne pas descendre était aussi difficile pour un aristocrate fortuné, que pour un métayer sans le sou.
Pour les filles, le fil rouge était l’obéissance et la soumission. La soumission aux hommes et aux femmes bien sûr, mais aussi et surtout aux écueils de la vie. Le but était d’éviter le sentiment d’impuissance que donne la prise de conscience d’une faille ou d’une injustice conjuguée avec l’absence de s d’intervention. Cette impuissance était et est toujours génératrice d’insatisfaction et d’angoisse qui perturbent sa propre existence et celle des autres. On demandait donc aux filles d’obéir sans se poser de questions. C’était le bonheur façon militaire si vous voulez, avec ses limites bien sûr. Cette obéissance présentait cependant un aspect contradictoire, puisqu’une fois mères, on demandait aux épouses de l’autorité sur les enfants, chose qu’elles n’avaient jamais appris. Mais on sait que chaque individu n’est pas seulement le produit d’une éducation mais amène avec lui son propre contour et un peu d’hérédité.
Aujourd’hui nous avons une éducation violette pour tout le monde. On apprend aux garçons à devenir sensibles et aux filles à dire non. Soit. Je ne trouve pas que ça fasse des gens plus heureux pour autant. Moi je suis plutôt pour la différence, pour la culture de la différence. Le but de l’éducation ne peut pas être l’uniformité, c’est le modèle des nuls. Je crois que chaque individu et chaque âge a sa pépite mais qu’aujourd’hui on la cache plutôt que de la faire briller.
Mais alors, car on n’a pas oublié la question du début, faut il changer quelque chose ? La réponse est claire : tant que nous ne serons pas revenus en démocratie, il ne faut surtout rien demander à ceux qui sont en place. Ce serait pire.
Michel Costadau
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