Sivens est vraiment emblématique des graves dérives de notre démocratie. On va d’abord énoncer les dérapages, puis développer.
1. Décision du Conseil général validée par arrêté préfectoral, de commencer le défrichage de la zone humide avant le jugement des plaintes pour non-respect de la loi sur l’eau,
2. Envoi par le préfet de militaires sur le site lors d’une manifestation autorisée. Cet envoi s’est traduit par la mort, injustifiable, d’un jeune militant,
3. Circulation, non filtrée par les gendarmes, de milices agricoles armées autour du site pendant quatre jours,
4. Destruction du bâtiment classé de la métairie neuve sans aucune justification instruite,
5. Transaction entre le ministère et le Conseil général pour payer les frais engagés indûment par le CG en échange de l’arrêt du projet, afin d’éviter à l’Etat de payer les infractions à la loi sur l’eau.
Bien sûr ces actes ne seront jamais jugés parce que la justice est au service du pouvoir, ce qui est la porte d’entrée du déni de la démocratie. Constatons aussi que l’arrêt du projet a provoqué la rage des élus et du syndicat agricole, parce qu’ils ont été pris la main dans le sac et qu’ils songent encore à se venger.
Maintenant développons un peu.
1. Le fait de vouloir commencer les travaux avant l’instruction des plaintes enregistrées, s’appelle un passage en force. C’est vouloir faire une réalisation potentiellement illégale avant le rendu des jugements correspondants, en escomptant, donc, qu’une fois terminée, la réalisation ne pourra plus être touchée par la justice qui, peut-être même, ne rendra aucun avis. Les pouvoirs publics sont coutumiers du fait, par exemple en déclarant d’utilité publique des projets rejetés au moment de l’enquête publique. Pour empêcher cela, il n’y a que deux pistes : multiplier par 10 la vitesse de la justice, euh assez peu probable, ou occuper, avec beaucoup de courage, les sites concernés pour empêcher les travaux.
2. Cette attitude assez classique, visant à assimiler les manifestants à des casseurs, demande en fait une double collusion. D’abord le choix par la préfecture d’agir illégalement mais aussi, la couverture médiatique correspondante. Pour éviter cela, bien peu de moyens, à part la presse libre, dont le pouvoir est très limité.
3. Ce laxisme est assez rare, d’une manière générale, sauf avec les agriculteurs qui, pour des raisons de dépendance des élus locaux, sont systématiquement protégés par les gendarmes lors de leurs exactions. Empêcher cela ne consiste sûrement à monter des contre-milices. Non la seule réponse est la non-violence qui demande pas mal de courage.
4. Ce dérapage est exclusivement dû à la baffe reçue par les institutionnels dans cette affaire. C’est donc du registre de la vengeance. De la vengeance des pouvoirs publics ! Ce dysfonctionnement comprend toujours une étape avec le vote d’une collectivité territoriale. La seule défense est alors d’avoir des citoyens en mesure de dénoncer localement ces agissements.
5. Cette transaction consiste à acheter le vote d’une collectivité. En d’autres termes, c’est de la corruption, de la corruption d’Etat. Je ne sais pas s’il y a des moyens de s’opposer à cela, parce que nous rentrons là dans le domaine des agissements mafieux des pouvoirs publics.
Mon analyse me conduit à penser que, dans cet exemple comme dans beaucoup d’autres, ce sont tous les élus qui bafouent la démocratie. Alors pourquoi faudrait il que je vote pour eux ?
Michel Costadau
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